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Only murders in the building (saison 4)

Du mieux en perspective ?

 

Après deux saisons particulièrement enlevées, le troisième volet d’« Only murders in the building » donnait parfois l’impression de verser dans la surenchère de ses procédés narratifs. Si la série avait su garder son identité, son rythme effréné et son intrigue tarabiscotée semblaient avoir surtout pour fonction de pallier la maigreur de son contenu scénaristique. Ainsi, l’affection indéfectible portée à Mabel, Charles et Oliver se trouvait contrariée par des interprétations confinant à un cabotinage parfois agaçant. Restait au crédit de cette précédente saison un poil décevante l’atmosphère cosy qui sied si bien aux couloirs de l’Arconia, cet immense immeuble, théâtre des nombreux drames sur lesquels nos trois détectives amateurs ont maintenant l’habitude de se pencher. Avec lui, on retrouvait ses résidents bigarrés et cocasses auxquels venaient se rajouter des convives toujours plus excentriques. Le récit avait parfois pris le parti de se délocaliser dans les coulisses de la scène où, parallèlement à l’enquête, Oliver entreprenait de monter une comédie musicale. Dans la pure tradition des spectacles de Broadway, Séléna Gomez, accompagnée de ses deux acolytes, en profitait pour pousser la chansonnette avec un entrain volontairement maladroit mais indéniablement communicatif. L’occasion pour les auteurs de rendre hommage à un genre cinématographique qui a toujours cherché à rendre supportable les tracas du quotidien au travers de ses mélodies rassurantes et de quelques pas de danse bien sentis.

 

 

Vive le cinéma !

 

Les premières mesures de cette quatrième saison s’inscrivent là encore dans cette volonté de célébrer le cinéma dans sa globalité. Une ligne directrice qui jamais ne se démentira tout au long du récit. Ainsi, la profession exercée par la nouvelle victime sera l’occasion de rendre justice aux oubliés d’une industrie qui ne peut se dispenser de leur présence, comme en témoigne la grève des scénaristes ayant entravé la production de nombreux projets ces dernières années. Les auteurs ont par ailleurs convié Eva Longoria, Eugene Levy et Zach Galifianakis à interpréter leur propre rôle. Car dans ce chapitre, les exploits de Mabel, Charles et Oliver sont destinés à être portés à l’écran. Et ce sont ces trois acteurs de renom qui ont pour fonction de les représenter. Plus que de simples atouts marketings, chacun d’eux est doté de traits de caractère cocasses qui s’intègrent parfaitement à l’esprit déjanté de la série. Et s’ils s’évertuent à suivre leur alter ego dans leur enquête, c’est qu’ils cherchent à s’imprégner de leur manière d’être et de raisonner pour mieux s’approcher de leur vraie nature et ainsi les incarner au mieux. Une ode non dissimulée au travail d’acteur qui s’avérerait un peu trop appuyée si leurs investigations ne les amenaient pas à participer au travail de déduction auquel Charles et ses deux amis s’attellent sans relâche. Enfin, comment ne pas mentionner l’épisode conceptuel filmé sous l’angle des différentes caméras qui occupent les lieux : caméras de surveillance, téléphone, caméscope… Derrière l’esprit ludique qui caractérise Steve Martin et John Hoffman (on se souvient notamment de l’épisode entièrement muet qu’ils avaient délicieusement concocté lors de la première saison), l’honneur est rendu à l’injonction du professeur de cinéma qui conseille à ses étudiants de « filmer. Filmer constamment et immortaliser le monde sans jamais se censurer ».

 

 

Une franche réussite

 

Ce qui est particulièrement appréciable, c’est que tous ces éléments s’intègrent parfaitement à une intrigue qui retrouve les fondamentaux de ses deux premières saisons. Rythmée sans être confuse, abracadabrantesque sans verser dans le n’importe quoi. Bien sûr, il ne convient pas de relever la vraisemblance de son déroulé. Cela importe peu. Il est simplement question de prendre du plaisir devant la palette de personnages croquignolesques qui nous est ici présentée. Un youtubeur qui, toute l’année, ne se départit pas de ses décorations de Noël et pousse le vice jusqu’à porter des pulls d’un kitch à faire pâlir le plus fervent adorateur de Santa Claus. Un pirate enjoué qui se protège d’une conjonctivite récidivante à l’aide de cache-yeux énigmatiques. Tous jouent leur partition avec un engouement exaltant. Par ailleurs, on a plaisir à retrouver ce qui faisait le charme de nos trois compères avant qu’ils ne tendent légèrement à se caricaturer. Les dialogues, toujours aussi truculents, se contentent ici de servir harmonieusement leur personnalité respective : on se délecte ainsi du narcissisme bon enfant d’Oliver, de la maladresse charmante et lunaire de Charles et du pragmatisme piquant de Mabel. Certes, il est un épisode moins convaincant où se jouent des enjeux relationnels entre Charles et sa sœur d’un côté et Oliver et Loretta de l’autre. Il s’agit-là de la seule incartade légèrement hors-propos. Pour le reste, la série ne s’écarte que peu de son sujet, usant des traditionnelles fausses pistes bien moins stéréotypées que lors de la saison précédente et arrivant à nous surprendre jusque dans la révélation de l’identité du (ou des) tueur(s). Elle parvient même à se moquer de ses propres schémas narratifs en faisant craindre à ses protagonistes la survenue du traditionnel crime qui tend à clore inopinément chacune de leurs aventures. Un crime qui, ne leur en déplaise, se produira inéluctablement pour notre plus grand bonheur.

 

 

 

Bilan

 

Mine de rien, derrière son côté divertissant et enfantin, « Only murders in the building » est en train de se frayer une place au soleil dans l’univers audiovisuel moderne parfois moribond. Après une troisième saison en demi-teinte, elle produit peut-être ici sa meilleure cuvée, retrouvant sans excès la tonalité loufoque qui est la sienne. Son intrigue, toujours aussi pétillante,réussit même l’exploit d’intégrer en son sein les ingrédients d’un hommage vibrant au cinéma et à l’ensemble de ses acteurs. Enfin, on peut souligner à quel point il est agréable de voir à l’écran des interprètes (Martin Short, Steve Martin et Selena Gomez) qui semblent à ce point aimer leur personnage ! Bien servis par des dialogues particulièrement enlevés, ils leur insufflent ce supplément d’âme qui nous les rend particulièrement touchants. Vivement la suite !

 

 

Disponible sur Disney +

 

 

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