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Hippocrate (saison 2)

Rappel

 

La première saison stimulante d’Hippocrate nous dépeignait l’univers d’un hôpital en crise (de moyens, d’effectifs, de tout…). Stimulante car on partageait les joies et les déboires de jeunes internes au sein d’une institution qui ne laissait pas le temps à ses membres de se construire une vie hors du cadre professionnel. Le regard souvent dénué de manichéisme que Thomas Lilti (lui-même ancien médecin) portait sur le corps médical et sur ses patients faisait plaisir à voir. La réalité âpre et violente nous était dévoilée sans fard, loin des ambiances aseptisées des séries médicales traditionnelles. Et cela malgré quelques facilités narratives où le romanesque pouvait prendre le pas sur la crédibilité de l’histoire.

 

 

On prend les mêmes

 

Dès le commencement de cette seconde saison, on sent que Lilti veut nous replonger illico dans les affres des conditions déplorables du milieu hospitalier. En effet, en raison du froid intense qui règne à l’extérieur, une canalisation de l’hôpital explose, ce qui amène les urgences à se déplacer en médecine interne. Situation qui va obliger les 3 internes que sont Hugo, Alyson et Chloé, (Arben ayant disparu de la circulation sans laisser de traces) à prêter main forte au service des urgences dirigé par le redouté Dr. Brun. En les observant, on constate vite que chacun a évolué depuis qu’on les a laissés quelques mois plus tôt. Hugo et Alyson ne sont plus des novices et ont pris de l’assurance tandis que Chloé se remet péniblement des malheurs qui lui sont parvenus, sans être toutefois en pleine possession de ses moyens. Mais cet état des lieux psychologique des troupes en présence nous est dévoilé en filigrane lors de scènes médicales toujours aussi réalistes, que la mise en scène à plans serrés de Lilti intensifie. Tout cela s’annonce donc très bien.

 

 

Bouli Lanners

 

Mais, quand peu de temps après, le sort s’acharne à nouveau sur le service, on se dit que le scénario tire tout de même très lourdement sur le fil du catastrophisme. On accepte cependant qu’il faille un tel concours de circonstances pour que Lilti expose son histoire, car à situation exceptionnelle, histoire potentiellement exceptionnelle. De plus, il ne nous laisse pas vraiment le temps de nous insurger devant ces aléas du sort un peu patauds. Car au cours des épisodes suivants, nous serons totalement submergés par la densité des événements racontés. Ça court, ça s’agite… On est plus dans « 24 heures chrono » que dans une série hospitalière. Cela pourrait tourner au n’importe quoi mais ce n’est pas la cas et le mérite en revient principalement aux acteurs qui incarnent formidablement leur personnage. Mais s’ils sont pour la plupart excellents, Bouli Lanners, lui, crève littéralement l’écran. Il « est » le docteur Brun. Il est celui qui nous fait vivre les urgences au sens propre du terme. On est ainsi suspendu à ses lèvres, on attend, fébriles, ses prises de position et les décisions qui en découlent. Pragmatique mais humain (à quelques détails près), il est celui qui pose les limites de l’empathie quand le service est aux abois. Il nous rappelle que le médecin n’est pas un sauveur en puissance mais un humain qui fait son travail auprès de patients qu’il ne connaît pas et qui ne priorise pas une vie plutôt qu’une autre. Par sa présence, la série lui doit beaucoup.

 

 

Des personnages à l'épreuve

 

En plus du rythme trépidant des premiers épisodes qui font plus la part belle à l’effervescence chaotique d’un service au bord de l’implosion qu’à sa trame narrative, la sensibilité des différents protagonistes est formidablement retranscrite au travers des différents cas cliniques que chacun a à traiter. Que ce soit Alyson ou Hugo, leur personnalité sera au cœur de leur adaptation plus ou moins réussie dans cette nouvelle fonction qu’on leur demande d’exercer sur le vif. De son côté, Chloé nous rappelle à quel point le manque de confiance ou les fragilités psychologiques passagères ne sont pas autorisées dans un milieu où chaque erreur se paye cash. Il était ainsi habile d’évoquer la souffrance psychique des patients par son intermédiaire. La souffrance invisible, celle qu’on ne voit pas et qui par conséquent paraît plus anodine. Finalement, seul Arben est plutôt laissé en plan. Certes, on retrouve la mélancolie de son regard mais son cas patine. A travers lui, on sent bien que Lilti veut nous émouvoir. Mais son âme reste insondable et c’est fort dommage car on aimerait qu’il se confie un peu à nous pour pouvoir l’atteindre. Quant à sa situation personnelle, elle pourrait amener à réflexion. Mais laquelle ? A ce stade, le message reste encore très confus.

 

 

Un subtil mélange

 

Alors, si les dysfonctionnements de l’hôpital sont au cœur de cette saison 2, ils servent foncièrement le récit. Car une nouvelle fois, une erreur due aux mauvaises conditions de travail du personnel soignant sera commise. Celle-ci deviendra le fil rouge d’une fin de saison plus narrative. Elle perd du même coup en intensité mais reste très plaisante car les différents cas cliniques présentés restent toujours aussi intenses et les relations entre les personnages sont tendrement exposées. Ainsi, l’introspection forcée à laquelle sera confrontée Chloé face à un patient troublant concilie intelligemment ces deux tableaux. Quant à l’épilogue, s’il s’avère prévisible, il reste malheureusement très plausible et sans concession.

 

 

Bilan

 

Au final, cette saison 2 s’avère moins descriptive que la première mais peut-être plus intense (surtout dans sa première partie). Elle arrive surtout à mieux intriquer le romanesque dans le cadre même du travail que ces jeunes combattants du quotidien livrent chaque jour. Et elle bénéficie d’un petit plus qui s’avère être un grand atout, celui d’être portée par un Bouli Lanners franchement sidérant. Une belle réussite !

 

Disponible sur MyCanal. 

 

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