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WandaVision

«WandaVision » est une série Marvel qui ajoute un chapitre aux aventures déjà bien fournies de la super-héroïne Wanda, issue des comics, et dont la première apparition en B.D. remonte à 1964. Née de l’imagination du scénariste Stan Lee, elle est un personnage aux motivations parfois ambivalentes. En effet, elle a plusieurs fois changé de camp, passant de la « Confrérie des mauvais mutants » (les méchants), aux gentils (« les Vengeurs »). En cours de route, elle tombe également amoureuse de Vision, un androïde à la base construit pour éliminer les Vengeurs, mais qui se retournera lui aussi contre ceux qui l’ont créé pour défendre le bien.

 

 

Logiquement, on s’attend donc à plonger illico dans le monde très codé des Avengers. Pourtant, les premiers épisodes s’avèrent en ce sens particulièrement déroutants. En effet, si Wanda est bien présente, elle est intégrée dans une sitcom des années 50 aux côtés de son amoureux Vision à l’apparence humaine dès qu’il s’agit de se confronter à l’extérieur. Ainsi, pas de pouvoirs ni de grands effets. La photographie fait la part belle au noir et blanc de circonstance, la musique au big-band doucement jazzy, le décor se résume au salon d’une banale maison de banlieue ou au bureau de travail de Vision. Les coiffures, les décors, les ustensiles : tout sent bon l’Amérique des fifties et évoque les familles traditionnelles de cette époque (la femme est au foyer tandis que le mari travaille). On y retrouve même la voisine curieuse qui aime pointer le bout de son nez avec une tarte de sa confection dans le but à peine secret de commenter les ragots du jour. Et bien sûr, le pastiche ne serait pas complet si des rires enregistrées ne venaient agrémenter les punchlines censées appuyer un comique de situations à l’interprétation volontairement exagérée. C’est particulièrement bien fait et les références aux productions de l’époque sont légions¹. Il faut attendre les toutes dernières images de l’épisode pour être sûr que l’on ne se soit pas trompé et que l’on est bien en présence d’une série labellisée Marvel. Pour autant, est-ce que c’est plaisant et drôle ? Pas vraiment (mises à part les publicités de milieu d’épisodes, croustillantes à souhait et qui ont le mérite d’être courtes, elles). Cela éveille notre curiosité mais pas plus (sauf si on est nostalgique de « ma sorcière bien aimé » évidemment).

 

 

Par la suite, des éléments vont venir brouiller la narration de ce monde idéal par l’intermédiaire d’objets colorés (un hélicoptère en plastique), de bande-son curieuses (des émissions radiophoniques intrigantes) ou de personnages anachroniques (une sorte d’apiculteur sortant des égouts). A vrai dire, heureusement qu’ils sont là pour éveiller notre attention. Car cette série réussit la prouesse de copier si habilement ses modèles qu’elle en devient aussi vieillotte et désuète qu’eux. Puis, le temps s’accélère. La couleur revient, les décors évoluent ainsi que la mode. Nous voilà dans les années 70, 80… Les références s’empilent et on sent que les auteurs ont pris du plaisir à fignoler leurs reconstitutions. Pour le spectateur, si ces changements d’époque sont amusants, les rires enregistrés et les blagues vaseuses viennent gâcher la fête et il attend surtout d’obtenir des débuts de réponses originales quant à cet exercice de style laborieux. Heureusement, la tension dans le regard de Wanda finit par apparaître en même temps que le cinémascope, son attitude jusque là guillerette se fait plus sombre, l’inquiétude s’immisce enfin entre deux blagues volontairement mauvaises… Il était temps et le contraste réussi entre ces deux atmosphères laisse présager un changement progressif de ton qu’on espère ébouriffant.

 

 

Et en effet, dans la petite ville de Westview où résident Wanda et Vision, l’atmosphère devient plus pesante. On pense alors à certains épisodes de la quatrième dimension où certains lieux sont sous l’emprise de phénomènes étranges inexpliqués. Ainsi, quel plaisir visuel de voir l’attirail militaire du FBI ainsi que son infanterie lourdement armée se métamorphoser soudainement en véhicules et personnages inspirés d’un univers circadien plus fantasmé que réaliste mais formidablement coloré et poétique. Sauf qu’ici, ce joyeux capharnaüm n’a pas vocation à rendre le monde plus agréable. Il découle d’un esprit égoïste qui se désintéresse totalement du bien-être de ses pairs. Cet élément scénaristique constitue indéniablement LA bonne idée de la série. Et pour le rendre humainement aussi touchant que terrifiant, les interprétations d’Elizabeth Olsen, en femme rongée par les conflits intérieurs, et de Paul Bettany qui cherche à comprendre ce qui se passe tout en redoutant les réponses qui pourraient s’imposer à lui, sont tout à fait convaincantes.

 

 

Malheureusement, ces ondes positives sont noyées dans la lourdeur générale de la mise en scène (et accessoirement de la bande-son). En effet, comme évoqué précédemment, le F.B.I va entrer en scène pour résoudre cette affaire. Dès lors, « Wandavision », qui avait jusque là opté pour une narration inventive à défaut d’être passionnante, accumule les défauts propres aux grosses productions made in Hollywood. Des méchants sans scrupules font leur apparition tandis que l’espoir repose sur les frêles épaules de quelques individus prêts à s’élever contre des décisions intéressées et irréfléchies. Mais dans l’ensemble, ces personnages stéréotypés n’ont comme profondeur psychologique que celle d’avoir choisi un camp. La série nous gratifie même de l’indémodable geek férue d’informatique, forcément atypique (elle a des lunettes, signe d’une intelligence très développée, et une voix nasillarde !) tout en restant sexy… Par ailleurs, on éprouve le sentiment étrange de se trouver parachuté au beau milieu de querelles ancestrales dont les causes nous sont inconnues. Tous semblent se côtoyer depuis des lustres et connaître les motivations des uns et des autre sans que l’on en ait été informé. Même les dialogues (très vite indigents à force de se prendre au sérieux) contribuent à renforcer cette impression désagréable…« Elle aurait vaincu Thanos si elle n’avait pas déclenché un blitz. » Mais que veut dire cette phrase ? Qui sont Thanos, Ultron... ? En faisant allusion à des événements que le sériephile lambda n’est pas censé connaître, les auteurs risquaient de perdre en cours de route les ignares qui n’avaient pas pris la peine de mettre à jour leurs connaissances en matière de Marvel. Ils ont alors eu la mauvaise bonne idée de distiller des éléments de compréhension associés à des scènes inédites lors de certains récapitulatifs de début d’épisodes. Résultat: on se prend à penser qu’on a raté quelque chose ou que « Wandavision » est la suite d’une série existante. Même pas…

 

 

Quant au twist final, il est assez bien vu. Cependant, il aboutit à un face-à-face tellement convenu scénaristiquement... Entre deux bavardages fatigants (le summum revenant à Vision et à son homologue blanc), on attend les rebondissements sans chercher à remettre en cause leur crédibilité tant on connaît par avance leur dénouement. Ainsi, la série se termine et les dernières images laissent clairement la porte ouverte à une saison 2 propre à ravir les fins connaisseurs de l’univers Marvel à qui elle semble s’adresser. Mais il ne serait pas étonnant que les autres préfèrent laisser toute cette petite troupe laver son linge sale en famille… L’occasion rêvée pour (re)découvrir une série Marvel d’une toute autre envergure, la délicieuse « Legion », et d’en savourer toutes les subtilités avec délectation.

 

 

Disponible sur Disney +

 

 

1 : Pour avoir accès aux nombreuses références de la série, se reporter au site suivant https://themightyblog.fr/g/tv/page/6/

 

 

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