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The Boys (saisons 1 à 3)

Des super-héros décadents...

 

Quelle bonne idée ! Sur le papier, le principe de « The boys » était particulièrement alléchant. Imaginez des super-héros tels que le label Marvel a l’habitude de les représenter, plongés dans l’Amérique moderne et ses problématiques. En dépit de leurs traditionnelles tenues vestimentaires, qui, dans ce contexte réaliste, tutoient le ridicule, ils parent à toutes les menaces susceptibles d’ébranler l’équilibre des nations sous l’égide de la société Vought qui les emploie. Cependant, à l’heure des réseaux sociaux et de la surexposition médiatique, pas facile pour ces humains dotés de capacités hors-normes de gérer la notoriété conférée par leurs super-pouvoirs. Sachant pertinemment que le sort de l’humanité dépend de leur bon-vouloir, ils se comportent avant tout comme des enfants gâtés narcissiques et autosuffisants à qui on ne peut rien refuser. Que ce soit l’homme-poisson qui a des branchies en lieu et place des poumons ou A-Train, l’homme le plus rapide au monde, chacun d’eux s’appuie sur le fait de faire partie d’une élite pour agir à sa guise, sans réellement se soucier des conséquences de ses actes souvent méprisables.Et puis il y a « the Homelander », le chef redouté dont il ne fait pas bon se mettre au travers du chemin. Un chef à la psyché d’une noirceur terrifiante dissimulée derrière une plastique qui ne souffre d’aucune aspérité. Pourtant aux yeux du grand public, lui et les autres font uniquement figure de héros. Et Annie January (Stella de son nom de scène) qui maîtrise l’énergie électrique comme personne, rêve logiquement d’intégrer leur rang tout en haut de la tour de Vought. Elle va vite déchanter.

 

 

Aimés de tous… Ou presque !

 

Parallèlement, loin du strass, des paillettes et de la débauche, des hommes dont la vie s’est trouvée grandement altérée suite aux agissements de ces supers-héros inconséquents se sont donnés pour mission de mettre un terme à leur hégémonie. Butcher, un ancien du FBI, « La Crème » et « Le Français » font partie de cette catégorie. Unis pour l’occasion, ces trois-là n’ont d’autres souhaits que de tout bonnement détruire ceux qu’ils considèrent comme étant des parasites. A cette équipe de durs à cuire avides de vengeance se rajoute un novice : Hughie, dont la petite amie a été désintégrée sous l’effet d’un A-Train un peu trop pressé. Et même si la lutte entre les deux clans paraît déséquilibrée, Butcher et ses acolytes n’hésiteront pas à user de tous les moyens en leur possession pour exercer, auprès de Vought et de ses protégés, leur capacité de nuisance.

 

 

Un peu toujours pareil non ?

 

Le scénario, de prime abord, donne l’eau à la bouche. Pourtant, celui-ci se révèle au final assez conventionnel. Certes, il est plaisant de suivre les péripéties de ces simples humains usant de leur seule détermination pour mettre en péril l’hégémonie d’êtres à la puissance incommensurable. Pourtant, comme aucune composante ne vient enrichir cette trame initiale prometteuse, la lassitude finit par nous gagner. Le choix de rebattre les cartes à l’entame de chaque saison au travers d’arcs narratifs renouvelés n’est pas mauvais mais il nous donne le sentiment de repartir quasiment de zéro. C’est par exemple le cas lorsque les membres de l’équipe viennent à se séparer et qu’il faut coûte que coûte leur trouver des raisons de se réunir. Non seulement c’est redondant mais ce n’est pas non plus très bien ficelé. Finalement, il n’y a guère que la destinée de l’homme-poisson qui suit tout du long une évolution continue au fil des épisodes. Le problème, c’est que ses tribulations nous semblent vaines et inintéressantes, car non seulement elles ne s’intègrent pas à l’intrigue principale, mais elles ne contribuent pas non plus à enrichir un personnage jusqu’au bout méprisable malgré la pitié qu’il inspire.

 

 

Des personnages figés

 

Les autres protagonistes de cette histoire subissent quant à eux des traitements divers. S’il faut reconnaître qu’ils sont plutôt bien campés, ils peinent à gagner en profondeur. Ainsi, Butcher est brutal et ambigu, ce qui, pour un héros, est forcément source de curiosité. Mais il semble tout du long condamné à rester la figure clivante que les auteurs lui ont initialement assignée. Bien sûr, il y a the Homelander. Son personnage est suffisamment complexe et torturé pour que l’on profite pleinement de ses apparitions. On se délecte de ses réactions imprévisibles et de ses expressions faciales changeantes. Rarement des sourires auront été aussi insécurisants tant ils présagent de colères froides et destructrices. On a affaire à un méchant, un vrai, dont les schémas de pensées sont cohérents au vue de son parcours de vie distillé tout au long du récit avec une réelle intelligence d’écriture. Quant à Hughie, La Crème ou Stella, aussi sympathiques soient-ils, ils restent cantonnés au rôle qu’il leur a été au départ attribué. Il en est de même pour le Frenchie qui, pour ne rien arranger, nous assène régulièrement quelques mots de français maladroitement prononcés, ce qui ne contribue pas à le rendre crédible. Autour de lui vient en plus se greffer une sombre histoire de mafia russe totalement inconsistante qui tend à alourdir des épisodes trop longs au vue de leur contenu. Surtout que contrairement à ce qu’on pourrait penser, les amateurs d’action pure risquent de ne pas trouver leur compte dans une série qui se révèle plus bavarde que réellement enlevée. D’autant que les scènes de batailles, trop rares et relativement prévisibles, ne sont pas à la hauteur de nos attentes. Enfin, les liens qui unissent les personnages, eux aussi, n’évoluent que très peu, ce qui est bien dommage. Eric Kripke, l’auteur de la série, essaie bien de pimenter la principale relation amoureuse du récit mais les obstacles qu’il dresse sur le chemin des intéressés nous paraissent relativement incompréhensibles.

 

 

Une satire qui a du cran

 

Alors, outre la figure de « The Homelander », dans quelle direction porter le regard pour profiter un temps soit peu de« The boys » ? Et bien, là où la série est la plus intéressante, c’est sur la peinture qu’elle dresse de notre société. Ce qui frappe en premier lieu, c’est de constater à quel point elle a besoin de ses héros mais que leur popularité est soumise aux caprices d’une population avide de cancans. Il faut soigner son image pour qu’elle devienne un objet de mercantilisation obscène et ce, même si elle ne correspond en rien à la personne qui l’incarne. Qu’une malencontreuse révélation fuite auprès des médias et on a vite fait de se retrouver à la tête d’un mouvement de revendication identitaire sans qu’on ait demandé à l’être. Dans ce contexte, il apparaît que pour nuire à un quelconque rival, il convient de s’attaquer à ses points dans les sondages. Cependant, pour garder la main, la manipulation de l’opinion est toujours possible. A ce titre, l’idée de créer de toutes pièces des ennemis contre lesquels se dresser et ainsi justifier son rôle de défenseur de la patrie ne paraît pas relever du domaine de la politique fiction. Et pour peu que ces ennemis de la nation soient d’origine étrangère, il est chose aisée d’éveiller en une foule désinhibée les instincts les plus sectaires et xénophobes. Bref, Eric Kripke se sert habilement des figures de super-héros chères aux Américains pour y dénoncer les travers d’un système qui confère au peuple la possibilité de se choisir un puissant auquel vouer allégeance quitte à se faire berner en retour.

 

 

Bilan

 

Et puis, impossible de parler de « The boys » sans évoquer sa violence souvent jubilatoire à laquelle le sexe peut parfois prendre part. Il ne faut pas craindre de voir des crânes exploser ou des corps littéralement voler en éclat dans un flot de viscères et d’hémoglobine.Si tel est le cas,il faut reconnaître que cela procure à la série un ton particulier qui fait partie de son charme. Pourtant, la saison 3 abuse de ce procédé utilisé jusque-là avec une parcimonie qui le rendait particulièrement efficace. D’ailleurs, à l’heure de dresser un bilan, il faut reconnaître que la plupart des défauts cités précédemment concernent principalement le dernier volet de l’histoire. Car durant deux saisons, cette satire peuplée de personnages hauts en couleur se distinguait par la pertinence de son propos et son originalité malgré des faiblesses scénaristiques évidentes.

 

Disponible sur Prime Video

 

 

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