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The Bear (saison 1)

Beef of Chicagoland

Mais qu’est venu venir faire « Carmy » dans cette galère ? Ce jeune chef reconnu dans le monde entier pour la qualité de sa cuisine se retrouve à gérer la sandwicherie de son frère suite au suicide de ce dernier. Les raisons de ce geste inespéré, Carmy ne les connaît pas. Ce qu’il sait en revanche, c’est qu’il a hérité de ce boui-boui et qu’il s’est donné comme mission de le remettre sur pied. Outre qu’il s’agit ici de l’entreprise familiale, le très introverti Carmy a lui-même bien du mal à poser des mots sur les motivations l’ayant amené à reprendre l’entreprise familiale. D’autant plus que celui-ci n’adressait plus la parole à son frère depuis un bon moment et que cette décision signifie clairement mettre à l’arrêt une carrière pourtant prometteuse. Pour l’épauler, il embauche Sydney, une jeune stagiaire douée qui rêve de travailler avec lui. Le reste de l’équipe, lui, reste inchangé depuis que son frère ait délibérément choisi de quitter le navire, que ce soit Marcus le pâtissier ou Tina, une des cuisinières du lieu. Mais il y a surtout Richie, le cousin de Carmy, qui accepte mal les changements organisationnels et culinaires que ce dernier veut apporter à l’établissement. Pour couronner le tout, il se trouve que la comptabilité, jusque là très obscure du restaurant, met en évidence des dettes colossales envers les fournisseurs et les emprunteurs. Tous ces éléments mis à bout, Carmy en vient à se demander ce qui a bien pu se passer pour que son frère en arrive à une telle situation et mette ainsi fin à ses jours.

 

 

La chkoumoune forever

De notre côté, la question est de savoir quels ingrédients vont composer le menu de « the Bear ». Y verra-t-on de la belle cuisine ? De celle qui donne envie de se mijoter un bon petit plat après avoir dégusté quelques uns de ses épisodes ? Pas réellement… A part quelques photos alléchantes du livre de Carmy, pour apprécier la préparation d’une recette et son dressage, il faut mieux se tourner vers un replay de « Top Chef ». Certes, de beaux morceaux de bœufs frémissent parfois dans la poêle et les couteaux s’agitent avec dextérité, mais on aperçoit aussi des plans de travail dégoûtants et des œufs gisant sur le sol. Dans un restaurant tenu par un maître étoilé ? Et bien oui ! Car dans « The Bear » voyez-vous, les choses ne tournent pas toujours très rond. On peut imaginer que la pression financière de la situation plus le changement de direction du restaurant sont susceptibles de provoquer une forme de panique au sein du personnel. Mais le mauvais sort ayant la fâcheuse habitude de toujours s’acharner sur les mêmes, le peu de temps que l’on passe en compagnie de cette équipe de choc, on devra se farcir un problème de chaudière, une balle perdue dans la vitrine, un contrôle sanitaire impromptu… Non, vraiment, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas… D’autant plus que tous ont le talent inné pour accumuler les bourdes. Il n’est pas donné à tout le monde de réussir à droguer la plupart des jeunes convives invités à un goûter d’anniversaire… Des boulets... Tout cela est forcément fatiguant pour eux, mais cela le devient aussi rapidement pour nous …

 

 

TU NE CRIERAS POINT !

Ça l’est d’autant plus que lorsqu’une énième tuile leur tombe dessus, tous s’accordent à penser que la meilleure solution pour résoudre le problème consiste à se brailler dessus… S’invectiver violemment semble en effet être leur passion première… A ce propos, on a beaucoup vanté le fameux plan-séquence de 20 minutes qui constitue à lui seul presque l’entièreté d’un épisode. Et il est vrai qu’il s’agit là d’une sacrée performance. Elle s’avère un défi pour le réalisateur qui se doit de conserver le naturel et la fluidité de sa mise en scène mais aussi pour les acteurs qui, eux, n’ont tout simplement pas le droit à l’erreur. L’objectif d’une telle prise de risques est simple : immerger le spectateur au cœur de l’action pour en augmenter son intensité et son réalisme. Et sur ce point, on ne peut pas reprocher aux auteurs de faire preuve de timidité. Ils parviennent en effet à hisser encore d’un cran le niveau déjà très élevé de catastrophisme et de violence verbale… On est plus proche de l’apocalypse en cuisine que du cauchemar, sauf qu’il y a fort à parier que même Philipe Etchebest, le Super Nanny des restaurateurs en détresse, se verrait bien démuni devant un tel spectacle. Il est connu que le milieu de la restauration n'est pas des plus reposants mais tout de même... Même la résiliente Sydney finit par « péter les plombs », n’hésitant pas à insulter voire humilier un de ses « collègues ». On pense alors à un mauvais rêve dont Carmy ne tarderait pas à se sortir tant tout cela parait énorme. Même pas...

 

 

Jamais deux...

Mais soyons honnêtes, tout n’est pas à jeter dans « The Bear », à commencer par le jeu impeccable des acteurs. Enfin, trois d’entre eux, car en réalité, hors Carmy, Sydney et Richie, les autres personnages de la série sont plutôt accessoires. Cela n’enlève bien sûr rien au mérite de Ebon Moss-Bachrach qui parvient à rendre émouvant un Richie pourtant insupportable la plupart du temps. De son côté, la fraîche Eye Edebiri gratifie Sydney d’un calme appréciable malgré les constantes brimades dont elle est victime. Car aussi douée soit-elle, il n’est pas simple de faire entendre sa voix quand on est jeune et nouvelle dans une équipe. En particulier celle-là ! Le lien qu’elle entretient avec Carmy, son idole culinaire plus facile à supporter en photo que dans la vie, est en ce sens intelligemment décrit. Bref, malgré son coup de sang meurtrier, elle reste le membre le plus sympathique de la bande.

 

 

...sans trois

Et enfin, il y a Carmy. Alors qu’on ne s’y attendait plus, les auteurs le gratifient d’un magnifique monologue qui procure à la série la dose d’humanité dont elle est par ailleurs trop dépourvue. Durant quelques minutes, le temps se suspend. La caméra se pose et se contente de filmer son sujet afin de saisir la sincérité des paroles énoncées. Les silences occupent l’espace ; qu’il est bon de les entendre enfin ! Plus que le plan-séquence, ce passage est la véritable clé de voûte de « The Bear ». On comprend enfin les tenants et les aboutissants de cette entreprise de rénovation que tous considèrent comme vouée à l’échec. Elle décrit également des relations fraternelles d’une terrible crédibilité. L’ombre du frère charismatique adoré de tous plane alors soudainement sur le récit. Parfois, à défaut de pouvoir imposer leur présence physique, les morts ont ce pouvoir unique de se glisser dans le crâne de ceux qui vivent, surtout quand tout n'a pas été dit et qu'il restait tant de choses à partager. Quoi qu’il en soit, ces aveux troublants auraient pu constituer le sujet d’une merveilleuse histoire s’ils avaient été tout autrement traités.

 

 

L’addition s’il vous plaît !

Car passé ce moment de grâce, « The Bear » retombe dans ses travers et nous impose un dénouement censé nous ouvrir l’appétit. Ou au contraire nous faire lâcher un désolant : « C’est n’importe quoi ! ». Peut-être cela aboutira-t-il à un suite cohérente et trépidante, mais dans l’immédiat, si on me demandait de retourner aux fourneaux, je prétexterais que j’ai autre chose sur le feu.

Disponible sur Disney+

 

 

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