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The good place (4 saisons)

Cherchez l'erreur !

 

Eleanore Shellstrop (Kristen Bell) vient de mourir dans un tragique et stupide accident de caddie. De fait, la voilà rendue dans la salle d’attente du « good place », le bon endroit, celui où se retrouve l’ensemble des défunts ayant mené une vie vertueuse. Or, de son vivant, Eleanor était loin d'adopter une attitude digne de ce qualificatif. Égoïste, injurieuse, irrespectueuse, elle cochait en réalité toutes les cases susceptibles de l'envoyer directement au «bad place », autrement dit, l'Enfer. Eleonor se rend vite compte qu'il y a erreur sur la personne mais ne tient aucunement à ce que cela se sache. Pour cela, elle n'aura d'autres choix que de composer avec quelques personnages particulièrement présents dans son nouveau quotidien. Et en premier lieu, Michaël (Ted Danson), l’architecte des lieux !  Que celui-ci découvre la vérité équivaudrait pour elle à composter son billet en direction des sous-sols de la vie éternelle... Par ailleurs, au "Paradis", chaque individu est pourvu d'une « âme sœur » censée l'accompagner idéalement pour le restant de sa mort. Eléanor se doit donc de partager sa vie avec Chidi, un philosophe érudit incapable de prendre la moindre décision tant les dilemmes moraux auxquels chacune d'elles le confronte le tétanise. Et enfin, il y a ses plus proches voisins dont fait partie Tahani Al-Jamil, une femme mondaine d’origine indienne qui œuvrait de son vivant dans le caritatif tout en fréquentant le gratin des stars internationales. Celle-ci se voit elle aussi affublée de son âme sœur, Jason Mendoza, un moine tibétain ayant fait vœu de silence. Mais chacun a ses secrets qui rendront la situation beaucoup plus complexe que ce qu’elle n'aurait pu être.

 

Personnages et dialogues savoureux

 

Comme pour la plupart des sitcoms, les personnages ont ici des traits de caractère très marqués. Ainsi, chacun apporte des éléments comiques spécifiques auxquels le spectateur se sentira plus ou moins proche selon sa sensibilité. Mais il faudrait être sacrément difficile pour n’esquisser aucun sourire devant l’un de ces portraits cocasses. Et s’il y en a pour tous les goûts, on peut quand même saluer la performance tout en naïveté égocentrique de Jameela Jamil dans le rôle de Tahani et de Manny Jacinto dans celui de Jason, l’un des personnages les plus tendrement stupides que le monde des séries ait pu inventer. Par ailleurs, que ce soit la juge fan de « the leftovers » gérant les contentieux inexistants entre les deux « places », Shawn, le gardien du «bad place » ou encore Janet, cette « non femme » présente dès qu’un des résidents a besoin d'aide, les seconds rôles sont eux aussi remarquables. Mais indépendamment de la performance d’acteurs, la qualité d’une sitcom dépend en grande partie de ses dialogues. En cela aussi, mission accomplie. Rien que le fait que dans le « good place », les gros mots soient imprononçables (au grand désespoir d’Eleanor), est un élément comique désopilant. Il est juste dommage de passer à côté des innombrables références à une culture spécifiquement américaine.

 

 

Des moments de creux inévitables

 

En plus de ces personnages formidablement campés et de ces dialogues incisifs, l’intrigue évolue de manière tout à fait cohérente et surprenante, ce qui n’est pas toujours le cas dans les sitcoms. Là, on a une vraie histoire avec de réels enjeux et quelques retournements de situations dignes des meilleures séries dramatiques. Celle qui clôt la première saison en cela absolument formidable. De même, si durant un long moment, le cadre des événements se déroule uniquement dans un décor théâtral au ton sucré et aux couleurs vives, les auteurs ont ensuite la bonne idée d’élargir les lieux narratifs, brisant ainsi une routine qui aurait pu devenir lassante. Malgré ces efforts, il y a clairement des longueurs. Certains passages s'avèrent dispensables même si on ne s’ennuie jamais. De plus, s’il ne baisse pas en intensité, l’humour, très codé, devient un peu répétitif dans la durée. Les meilleurs blagues, ou du moins les plus efficaces, sont souvent les plus courtes.

 

 

La philosophie pour les nuls

 

Ce qui rajoute enfin à la qualité de cette série est qu’elle traite aussi de sujets sérieux et elle le fait avec beaucoup d’inventivité et de maîtrise. Il faut dire que Chidi, inspiré du vrai philosophe kantien Thomas Scanlon, distille des discours qui amènent à réfléchir sur la manière dont on souhaite que nos actions soient perçues. Ainsi, comment juger de la bonté d’une personne ? Sur quels critères s'appuyer pour cela ? Quelles sont les visées parfois inavouables d'un altruisme qu'il est de bon ton de mettre en avant ? Après renseignement, "The good place" parle donc de conséquentialisme, de déontologisme et d’éthique de la vertu. Mais n’ayez pas peur, tout cela est retranscrit de manière tout à fait comique comme durant cet épisode hilarant traitant du dilemme du tramway. Concrètement, prenez 5 personnes sans lien direct avec vous et une autre avec qui vous êtes proche (ou un enfant, ça marche aussi), qui choisirez-nous d’écraser ? La mise en images de ce concept philosophique est pour le moins… explosive ! Ces réflexions ne sont en tout cas absolument pas gratuites et participent grandement à l’évolution de l'ensemble des personnages. Si vous souhaitez en savoir plus sur le sujet, n’hésitez pas à visionner cette vidéo passionnante qui a en plus le mérite de ne pas spoiler la série.

 

 

Un final splendide

 

Tout cela amène forcément à la question essentielle de « The good place » : peut-on légitimement s'appuyer sur la lecture d'un simple C.V. qui ne fait aucunement mention de  l'intentionnalité de nos actions pour orienter éternellement un individu vers les plaisirs paradisiaques ou vers la damnation éternelle ? Et il se trouve que la réponse apportée par un dénouement doté d’une poésie et d’une sensibilité admirables contraste avec la tonalité humoristique de l’ensemble. Elle conclut en tout cas magnifiquement cette sitcom un poil trop longue, mais qui prouve, en plus de sa conclusion douce amère, qu’il est possible de concilier intelligemment philosophie et comédie pour former un tout cohérent et sensible. Alors au final, l’enfer, ce sont les autres ou pas ? Vous avez quatre heures…

 

Disponible sur Netflix.

 

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