L'amie prodigieuse (saisons 1 et 2)

Une vie à l’italienne

Ce qui frappe en premier lieu dans cette adaptation du roman à succès d’Elena Ferrante, est la reconstitution assez fidèle de ce quartier fictif de la banlieue napolitaine. Il faut dire que la production n’a pas lésiné sur les moyens et a construit pour l’occasion une vraie petite ville. Aucun détail n’a été négligé, que ce soit les vêtements ou la décoration intérieure des appartements insalubres. On est alors vite baigné dans une vie de quartier qui procure une ambiance intimiste à cette série. Car au-delà du décorum, nous sommes aussi plongés dans le milieu social ouvrier. Ici, le patriarcat règne en maître sur le microcosme familial. Maris et pères ont ainsi la main très légère tandis que les femmes acceptent pour la plupart leur condition, se contentant de brailler aussi fort que leur conjoint. Les jeunes hommes se satisfont du travail qu’ils peuvent trouver, parlent politique et draguent. Quant aux filles, se marier avec un homme, s’occuper de la maison et des futurs enfants semble l’unique voie possible. Une solution alternative existe toutefois mais a un prix : réussir à s’acoquiner avec les familles ennemies du quartier que sont les Solara et les Carraci. Eux seuls ont les moyens de s'échapper de ces murs qui pour beaucoup, s'apparentent à une prison.

Une belle complémentarité

Dans ce décor un peu théâtral, on va assister à la construction du lien qui unit Elena et Lila, de l'enfance à l'adolescence. Et il est indéniable que celui-ci repose sur la complémentarité de leur caractère et de leur situation familiale. En effet, si Elena admire chez Lila le côté rebelle qu’elle n’a jamais eu (celle-ci n’hésitant pas à braver l’interdit), elle fournit aussi à son amie un lien avec la culture et les livres qui ne lui sont plus accessibles. On va donc les voir évoluer dans cet environnement hostile durant une première saison vraiment réussie.

Fais-moi mal !

Maintenant, ce qui doit être formidable en temps qu'auteur, c’est de jouer avec les personnages que l’on met en scène. Comme des marionnettistes, on doit décider de leur destin : va-t-on les rendre heureux, les punir, les faire souffrir ? Et bien lors de la saison 2, le choix a été fait de les maltraiter. La relation qui unit les 2 jeunes filles va en effet devenir toxique… et en partie indigeste pour le spectateur. Lila, jalouse d’un monde auquel elle n’a pas accès et qu’elle préfère rejeter, passera son temps à humilier une Elena qui serrera les dents sans jamais réagir. D’ailleurs, il suffit qu’une once de bonheur irradie cette dernière (visible par un micro-sourire esquissé) pour que l’on soit certain qu’il lui arrive une tuile dans les 30 secondes qui suivent. Tuile dont l’origine se nomme souvent Lila. L’auteur les a ainsi toutes deux enfermées dans un rôle et elles n’auront de cesse de se caricaturer : d'un côté la victime qui aime se faire du mal et se rajoute de la souffrance avec des actions autodestructrices, de l'autre le bourreau qui ne montre aucune considération pour ceux qui l’entourent. Donc, quel est l’intérêt de s’intéresser à cette relation sadomasochiste où l’une recherche l’affection de personnes qui ne lui portent aucun intérêt, tandis que l’autre détruit tout ce qu’elle touche par orgueil et égocentrisme ? Et malheureusement, même le jeu des actrices contribue à renforcer ce sentiment de personnalités unilatérales.

Un mari dans la peine

Heureusement, au milieu de ce marasme psychologique, il y a le mari de Lila. Non pas que ce soit un gentil bougre auquel on puisse se rattacher. Non. Il gère ce qu’il ne maîtrise pas par la violence et reste un homme de son milieu : flambeur et machiste. Mais au moins, il est complexe et on n’arrive pas à le détester. On ressent sa souffrance à être ainsi méprisé et humilié par une femme incapable du moindre pardon. Femme qu’il aime si fort mais lui échappe dès qu’il daigne s’en approcher. Et pour le coup, on peut tirer un coup de chapeau à cet acteur qui arrive à rendre compte de la détresse et du faux déni dans lequel erre son personnage,  certainement le plus attachant de la série.

Stop ou encore ?

Reste maintenant à espérer que la suite rende compte d’une évolution dans le traitement de ses deux héroïnes. Car si cela continue sur cette voie, on n’acceptera plus très longtemps de les observer se faire du mal de cette manière sans que l’on puisse intervenir. La vie est déjà assez compliquée comme ça…

Disponible sur MyCanal