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The marvelous Mrs. Maisel (saison 5)

4 saisons enthousiasmantes

 

Quelle direction prendre quand on cherche la célébrité ? C’est à cette épineuse question que « Midge » a fini par se heurter, l’empêchant par là-même de percer dans le milieu du stand-up, cet exercice dévorant auquel elle a décidé de consacrer l’entièreté de son énergie. New-York constitue pourtant un formidable terrain de jeu pour les artistes en tous genres, mais il est clair qu’être une femme dans les États-Unis du début des années 60 ne lui simplifie pas la tâche. Par ailleurs, si elle possède du talent et de la volonté à revendre,son manque de perspicacité « commerciale » conjugué à une certaine roublardise de Dame Fortune a entravé son ascension vers les sommets tant convoités. C’est frustrant pour elle, bien entendu, mais ça l’est aussi pour nous. Car durant 4 saisons pleines, on l’a vue gravir des échelons avant de voir ses efforts inlassablement réduits à néant. Finalement, si on s’en réfère à sa situation professionnelle, on a parfois eu la sensation que la série faisait, elle aussi,du surplace.... Heureusement, son ton unique et cocasse l’a toujours emporté sur le sentiment général de statu-quo. Par son dynamisme exacerbé, son héroïne n’a cessé de nous emporter agréablement dans les turpitudes de sa vie. Le plaisir éprouvé par le spectateur devant la vision des péripéties qui ont jalonné son parcours n’a presque jamais été démenti et ce sentiment s’est trouvé décuplé par la gouaille des personnages qui l’entourent (à commencer par Susie, la manager à la mine renfrognée, experte en sorties sarcastiques désopilantes). En arrière-plan, on a également profité des excentricités des parents de « Midge » et de ceux de son ex-mari, farfelus à souhait. Tout cela dans un environnement new-yorkais dépaysant nous rappelant les grandes heures du cinéma américain des années 50. « La fabuleuse Mrs. Maisel » trouvait dans dans cette ambiance bigarrée le décor idéal pour exposer au spectateur les ressorts de son récit doucement déjanté.

 

 

On sait enfin où on va !

 

Pourtant, au moment de débuter le visionnage de cette ultime saison, on se dit que les choses ne peuvent en rester là. On a besoin de savoir si Midge est vouée à un avenir radieux ou si elle est condamnée à se heurter définitivement aux portes de la notoriété. Tel s’avère l’enjeu évident de cet ultime acte et orienter le récit dans une autre direction reviendrait à négliger le cœur même de son intrigue. Pourtant, la série prend le risque de se plonger encore et toujours dans le quotidien de son héroïne presque comme si de rien n’était. Miriam et ses amis continuent ainsi leurs pérégrinations au sein du monde du spectacle et de la télévision avec le même entrain qu’à l’accoutumée. Le récit garde donc sa ligne de conduite en faisant la part belle aux dialogues (hilarants) et au rythme (endiablé) insufflé par l’énergie communicative de son héroïne principale. Mais si les traditionnelles promesses et désillusions sont une nouvelle fois aussi plaisantes, c’est que Amy Sherman-Palladino, l’auteure cette « fabuleuse Mrs. Maisel », a pris soin de couper court au suspense en nous signifiant rapidement (via de courtes séquences se déroulant 20 années après les tribulations incessantes de nos deux compères) que « Midge » finira par atteindre son but. Nous voilà donc rassurés : maintenant que l’on connaît la destination du voyage, on peut à nouveau se concentrer sur son déroulé.

 

 

Personne n’est parfait

 

Ces petites introductions ne servent pas seulement à répondre à la question de savoir si « Midge » connaîtra ou non le succès : ils nous dressent également le portrait d’une femme libre et toujours aussi pétillante mais un brin superficielle et autocentrée. Des caractéristiques de sa personnalité que l’on avait pu percevoir mais qui jusque là prêtait à l’amusement. 20 ans plus tard, le peu d’engagement qu’elle a mis dans l’écoute et l’éducation de ses enfants nous dérangent un peu plus dans la mesure où elle ne semble pas être une reine de la remise en question. On va ainsi découvrir que même avec ses ami(e)s de toujours, elle peut avoir la dent injustement dure. Mais après tout, elle est comme cela Miriam. Elle n’est pas parfaite, on le savait, et on remercie Amy Sherman-Palladino de traiter sa personne avec cohérence quitte à égratigner légèrement l’image positive que l’on se faisait d’elle. De la même manière, Susie se voit prendre une trajectoire inattendue qui colle étonnamment bien à son profil. En résumé, ces deux femmes fortes et indépendantes connaissent des évolutions de parcours crédibles en adéquation avec leur tempérament et personnalité. On éprouve cependant une forme de frustration quant au fait que les relations entre « Midge » et ses enfants ne soient que superficiellement traitées.

 

 

Un épisode à part

 

Ce besoin de préciser le devenir de ses deux héroïnes amène donc l’auteure à briser la linéarité de la narration en nous projetant dans un futur très éloigné de celui dans lequel on était jusque-là baigné. Mais ce procédé est poussé à son paroxysme lors d’un épisode prenant place au cours d’une cérémonie organisée en l’honneur de Susie. Les convives échangent ainsi sur les différentes étapes de sa vie et de celle de sa protégée. En une heure temps, on assiste (par l’intermédiaire des convives présents dans l’assistance) aux faits marquants qui ont jalonné leur vie intime et professionnelle alors même qu’il avait fallu une cinquantaine d’épisodes pour nous narrer quelques mois de leur existence. C’est particulièrement bien fait et étonnant tant la série ne nous avait pas habitués à jouer ainsi avec ces incartades temporelles. Nous voilà donc transbahutés d’une époque à une autre sans que nous nous sentions perdus devant cette succession d’anecdotes. Cet écart constitue la seule transgression à des codes dont la série ne s’était jamais départie, d’où son aspect unique et déroutant. Mais ce faisant, et en prenant grand soin de respecter la psychologie de ses personnages, Sherman-Palladino donne intelligemment vie à cet « après » qui succède à la recherche éperdue de la gloire. Bien joué.

 

 

Un final réussi pour une série réussie

 

Restait à finir cette histoire en beauté. Pour juger de cet épilogue, on devait se confronter à l’événement (forcément scénique) qui allait sceller le sort de Miriam Maisel. Mais celui-ci prend le temps de se faire désirer comme pour mieux tenir le spectateur en haleine. Alors, quand il survient enfin, on espère que notre attente sera justement récompensée. Tous les projecteurs braquées sur l’artiste, on trépigne comme si nous faisions nous-mêmes partie du public. Et si nous connaissons l’issue de ce qui s’apparente dès lors à une opération de séduction, on est avide d’en connaître la teneur. Ces quelques minutes suspendues ne peuvent pas nous décevoir. La tension est forte pour « Midge » mais elle devait l’être aussi pour Sherman-Palladino qui n’avait d’autres choix que de peaufiner l’écriture de son monologue. Et sur ce plan, on peut lui tirer un coup de chapeau : elle s’ acquitte parfaitement de sa mission. Comme elle parvient à attribuer à chacun de ses personnages une fin digne de ce nom. Qu’on aime ou pas la destinée de l’un ou de l’autre, personne n’est laissé de côté. Même Lenny Bruce repointe le bout de son nez, anéanti par les tribulations d’une vie qui l’a conduit de cellules en cellules pour des textes et des attitudes jugées obscènes. Quoi qu’il en soit, après avoir dit au revoir à "Midge" et à sa clique, difficile de ne pas ressentir une pointe d’émotion à l’idée de quitter l’une des séries les plus rafraîchissantes, drôles et dynamiques de ces dernières années.

 

Disponible sur Prime Video

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