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Silo (saison 1)

Quand l'air devient irrespirable

 

L’Homme s’inquiète de plus en plus du sort qu’il contribue à faire subir à sa planète. De fait, il paraît logique que la production télévisuelle retranscrive cet état de fait. En ce sens, « Silo », adaptée du roman éponyme de Hugh Howey, est une série dystopique qui reflète parfaitement ces angoisses. Plus précisément, elle met en scène un monde où l’air sur Terre est devenu tellement toxique qu’il n’est plus possible de le respirer. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la vue que les 10 000 personnes vivant dans un immense silo souterrain ont de l’extérieur : une sorte de « no man’s land » grisâtre et minéral où aucune feuille ne daigne s’épanouir sur le seul arbre susceptible d’en accueillir. Certains, probablement par désespoir,ont déjà tenté leur chance et ont réclamé à sortir. Les personnes concernées sont alors envoyées à l’air libre sans possibilité pour elles de faire machine arrière. Elles sont ensuite invitées à nettoyer le capteur transmettant aux habitant du Silo l’image de ce paysage de désolation. Puis, inexorablement, les pauvres âmes sombrent quelques mètres plus loin, intoxiquées par l’air vicié s’engouffrant subrepticement dans la combinaison peu hermétique dont on les a affublées pour effectuer leur mission. Outre le fait de le réclamer, le « nettoyage » est aussi préconisé envers ceux qui ont gravement enfreint la loi en fabriquant par exemple des objets grossissants ou en conservant avec soi des « reliques » d’avant l’Insurrection. 140 ans avant que ne débute cette histoire, des révoltes auraient en effet éclaté dans le silo, faisant disparaître toutes les archives expliquant la situation actuelle. Depuis, il est strictement interdit de garder pour soi la moindre trace des temps qui ont précédé cet événement. Évidemment, à la lecture de ces quelques lignes, un tas de « pourquoi » sont censées vous venir à l’esprit. Mais pour les protagonistes de cette histoire, étant donné que le monde extérieur est synonyme de mort,à quoi bon se poser des questions inutiles. Il s’agit simplement de survivre et de respecter les principaux commandements, aussi bizarres soient-ils parfois.

 

 

Une organisation sociale peu exploitée

 

Afin que personne ne déroge aux règles établies, plusieurs services s’occupent de régir cette grande communauté, à commencer par le shérif, le principal garant du respect du Pacte, le texte de lois sur lequel repose les institutions du lieu. Mais il y a aussi le fameux et craint service Judiciaire qui surveille les habitants et attribue les sanctions si besoin. Et enfin la maire, élue démocratiquement et appréciée de toute la population. Composé de 144 étages, différentes strates occupent hiérarchiquement le lieu : en résumé, plus le statut social d’un individu est élevé, plus ses chances de vivre dans les hauteurs du bâtiment sont importantes. A partir de cette description, on aurait pu penser qu’à un moment du récit interviendrait une réflexion politique ou sociétale. Mais mis à part le fait que Juliette Nichols, l’héroïne principale de cette histoire, navigue dans les bas-fonds, ces éléments servent avant tout de décorum et n’ont que peu d’influence sur la narration ce qui est un peu dommage.

 

 

 

Un léger manque de nuances

 

« Silo » fait donc le choix de la simplicité et concentre ses efforts sur l’enquête que Nichols aura à mener, forcément seule contre tous, pour découvrir la vérité concernant la destinée de certains des occupants du silo tels que le shériff Holston qui, un jour, décide de participer au « nettoyage » pour rejoindre sa femme qui en avait fait de même trois ans plus tôt. Pour nous aider à appréhender la situation, la série se penche préalablement sur les éléments qui ont incité cette dernière à commettre l’irréparable. Et sur ce point, on ne peut pas dire que le premier épisode soit de nature à nous allécher outre mesure. Ce qui est chiffonnant, c’est qu’en une demi-heure de temps, Allison (c’est son nom) va remettre en cause tout ce qu’on lui a inculqué jusqu’à prendre le risque de se confronter à la mort et de quitter l’homme qu’elle aime. Cela paraît tellement précipité que cela en devient peu crédible. Passé ce qui peut être vu comme un détail, on comprend de manière un peu trop grossière que ses soupçons semblent fondés et que forcément, les conditions de vie de l’ensemble des habitants du lieu reposent sur des mensonges. Conclusion à laquelle Nicols va rapidement adhérer. Dès lors, on a le sentiment que cette histoire va se réduire à ceux qui investiguent pour découvrir la vérité (les gentils) contre ceux, dans l’ombre, qui cherchent à la dissimuler (les méchants). Et malheureusement, aussi simpliste que cela puisse paraître, l’intrigue de « Silo » se résume à peu près à cette dialectique.

 

 

« Truth »

 

Le principal intérêt de la série tient au fait que, comme son héroïne, on cherche à découvrir la vérité concernant le silo et les mystères qui lui sont associés. C’est sans conteste le seul argument réellement stimulant. Pourtant, avec un tel sujet, on aurait aussi aimé être happé par une atmosphère singulière restituant les conditions de vie d’un écosystème dont on n’est pas coutumier. Il n’en est rien. Certes, le sentiment d’enfermement se fait ressentir. Certes, on a affaire à un espace bétonné et peu chaleureux, axé sur un immense escalier permettant d’accéder aux différents étages de l’édifice. Mais si Graham Yost, son auteur, tente bien de lui insuffler un semblant de vitalité au travers de quelques scènes de rue, l’action se resserre bien vite autour de ses personnages principaux. La population, censée humaniser le lieu qu’elle occupe, fait seulement acte de présence. En d’autres termes, si la retranscription imagée de ce silo a de quoi impressionner, on s’aperçoit rapidement qu’il lui manque une âme. On aurait également pu espérer un rythme haletant entraînant le spectateur dans son sillage. Or, pendant longtemps, celui-ci est plutôt ronronnant et même les quelques morts qui surviennent au cours du récit ne parviennent pas à contrebalancer cette impression. La séquence de réparation du générateur principal a beau être vectrice d’une tension bienvenue, elle semble malgré tout déconnectée de la trame principale. La série aurait pu s’en dispenser sans que l’intrigue n’en soit chamboulée… Même la bande-son aux connotations forcément inquiétante ne parvient pas à se distinguer par son originalité. On est très loin de la qualité d’une autre série dystopique proposée par la plateforme, « Severance », qui elle, alliait l’intelligence de narration à un travail formel époustouflant.

 

 

Le plaisir ne tient qu’à un fil

 

Tout cela procure à l’ensemble un aspect très convenu. Mais si on parvient à la prendre pour ce qu’elle est, on ne passe pas un mauvais moment en regardant « Silo ». Il faut d’abord lui reconnaître sa capacité à conserver notre attention grâce à une légère montée en puissance de son suspense au fil des épisodes et à la cohérence de son scénario, plutôt bien ficelé. Dommage une nouvelle fois que les nombreux flash-back pseudo-romantiques censés apporter des éclaircissement à l’intrigue viennent trop souvent casser la dynamique en cours. Par ailleurs, même si la série ne brille pas par la qualité de ses dialogues, son actrice principale est si talentueuse que c’est un plaisir de faire équipe avec elle. Et enfin, il y a cette fin réussie qui vient briser nos certitudes et nous pose plus de questions qu’elle n’en résout. A tel point qu’on ne sait plus qui, de ceux qui cherchent ou de ceux qui cachent, sont les plus à même d’apporter du bienfait à la population. C’est en tout cas suffisamment malin pour attiser une nouvelle fois notre curiosité. Alors oui, « Silo » est loin d’être une série parfaite, mais elle est suffisamment bien menée pour nous donner envie de regarder sa suite.

 

Disponible sur Apple TV+

 

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