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OVNI(s) (saisons 1 et 2)

Quelle équipe !

 

1978. Didier Mathure, ingénieur de haut vol au CNES, ne jure que par les équations et la vérité scientifique, au point de délaisser sa famille. D’ailleurs, Élise, sa collègue de travail et accessoirement la mère de ses deux enfants (Diane et Bastien), ne s’y est pas trompée et l’a tout simplement quitté. Mais quand il assiste à l’explosion en plein vol de SA fusée, tous ses projets de carrière semblent voler en éclats dans son sillage. Ses supérieurs lui font en effet porter la responsabilité de ce terrible échec et Didier se voit contraint de prendre la direction du GEPAN, une filière annexe et gênante du CNES ayant pour mission de prendre en charge les différentes manifestations supposées d’OVNIs recensées en France. Dès lors, on lui demande de clore tous les dossiers de cette section pour prouver que les phénomènes observés sont explicables rationnellement et que le GEPAN ne sert à rien. Se faisant ainsi oublier en plus de se rendre utile, il pourrait ainsi récupérer son poste. Dépité, le voilà amené à remplacer un directeur qui a fui ses fonctions sans raison apparente et se contente d’envoyer des cartes postales intrigantes aux membres de son ancienne équipe. Et quelle équipe ! Outre Marcel, totalement obsédé par les mystères entourant la disparition de son ancien chef, que penser de Véra, cette réceptionniste téléphonique lunaire qui prend note de toutes les élucubrations d’illuminés persuadés d’avoir aperçu des fers à repasser dans le ciel ? Et Rémy, le gentil bénévole calé en informatique, ne semble pas être d’une rigueur scientifique à toute épreuve, d’autant plus que lui aussi est persuadé que les OVNI(s) existent. Décidé à faire le ménage, Didier va toutefois devoir se confronter à des phénomènes assez inexplicables que même un scientifique chevronné comme lui aura avoir bien du mal à élucider...

 

 

Les 70's joyeuses

 

Extra-terrestres et événements paranormaux : pas de doute, il s’agit bien de science-fiction. Or, le genre nous a gratifié ces derniers temps de productions audiovisuelles qui ne prêtaient pas franchement à la rigolade. Que ce soit « Devs » ou « Tales from the loop », chacune à leur manière soulevait des questions existentielles plutôt graves et proposait des ambiances aux tonalités sombres ou oppressantes. Et pourtant, « OVNI(s) » nous prouve que ce type de traitement n’est pas une fatalité. En effet, les éléments surnaturels évoqués ici concernent des flamants roses tombés du ciel ou des barbapapas géantes et de fait, ne constituent pas de réelles sources de réflexions métaphysiques. Par ailleurs, décors, couleurs, vêtements, looks… tous ces éléments peuvent être estampillés « années 70 », époque où couleurs vives et bigarrées régnaient en maître. Même la bande-son, composée par Thylacine, remet au goût du jour des sonorités de synthétiseur que l’on pensait disparues. Références cinématographiques oblige, Ennio Morricone et Pierre Bachelet (du film « Coup de tête ») seront entre autre de la partie. Quant à Steven Spielberg, si le GEPAN ne constitue pas pour lui une source d’inspiration satisfaisante, la série n’hésite pas, en un clin d’œil délicieux, à nous dévoiler ce qui l’a conduit à réaliser « E.T. l’extra-terrestre ». OVNI(s), une référence pour Spielberg ? A moins qu’au contraire, l’œuvre de Clémence Dargent et Martin Douaire soit un hommage assumé et sympathique au créateur de « Rencontre du 3ème type », sorti en 1977.

 

Avec les moyens du bord

 

Dès lors, on pourrait penser qu’en mettant l’accent sur son ambiance vintage, la cohérence de la narration ne soit qu’accessoire. Et bien non ! Aussi abracadabrantesque soit-elle, celle-ci tient parfaitement la route et le spectateur ne cesse de se demander par quels moyens nos héros parviendront à rassembler les pièces d’un puzzle que certaines apparitions (paranormales ?) souvent loufoques ne cesseront de complexifier. Et comme le soutien du CNES s’avère illusoire, ils devront user de stratagèmes parfois illicites mais toujours cocasses pour récolter des informations. Seuls contre tous (mais nous avec eux !) et avec comme seul matériel un « ovnibus » de fortune et de misérables tables de camping, ils tenteront de mettre au point des machines bricolées à l’orée de petites routes départementales bucoliques. Alors, s’il est largement possible de déceler certaines invraisemblances narratives, quelle importance quand on se prend si peu au sérieux ?

 

Des personnages magnifiques

 

Une des autres nombreuses qualités d’ « OVNI(s) » tient à l’écriture particulièrement fouillée des fous-dingues qui composent cette histoire. Et visiblement, l’ensemble du casting a parfaitement intégré les singularités des différents personnages que chacun se devait d’interpréter. Ainsi, quel bonheur de voir Melvin Poupaud, clope au bec et moustache de circonstance, camper un Didier Mathure tentant d’expliquer à de simples villageois décontenancés l’expérience du chat de Schrödinger ! Sans cesse tiraillé entre le désir obsessionnel de résoudre des mystères qui le couvrirait de gloire s’il y parvenait et la volonté profonde d’être réhabilité au sein d’une communauté (et d’une famille) qui le prend pour un fou, il fait preuve d’un égocentrisme enfantin particulièrement attachant. Même les relations qu’il entretient avec ses proches sont exposées avec une finesse que l’excellente partition des enfants ne fait que bonifier. A ce titre, l’interprétation d’Alessandro Mancuso dans le rôle de Bastien, le jeune fils de Didier, qui se prend pour un Superman à la recherche de ses parents biologiques, est tout simplement incroyable ! Comment également ne pas s’extasier devant la bouille ahurie d’un Rémy qui, malgré de vains efforts pour se conformer à ce que la société est en droit d’attendre d’un informaticien brillant, ne cesse de revenir à ses premières amours ! Ses multiples lapsus concernant Véra et Véro auraient d’ailleurs tout pour devenir cultes. Mais ce serait faire ombrage aux trop nombreuses punchlines que nous offre la série (« Les centrales nucléaires, c’est comme les merguez, personne ne sait vraiment ce qu’il y a dedans !» pour n’en citer qu’une). Même les personnages secondaires sont savoureux et apportent eux-aussi leurs pierres à l’édifice. Qui n'éclaterait pas de rire à la vue des fesses d’Olivier Broche en train de cuisiner, nu sous son tablier ? Quant aux diverses loufoqueries visuelles exposées avec un sérieux déconcertant, elles sont tout simplement hilarantes. Que dire par exemple de ces serre-têtes d’un kitch absolu dont s’affublent les personnages pour éviter de ressembler à des hérissons ?!

 

Une poésie fantaisiste

 

Cet humour décalé et absurde est tel qu’il vire rapidement à la poésie ubuesque. Et si celle-ci devait être personnifiée, elle porterait bien sûr les traits de la formidable Véra, interprétée par une Daphné Patakia à l’ingénuité magique et contagieuse. Tout dans ce personnage transpire la douce folie et la naïveté joueuse que la série promeut avec brio. Même sa diction, à l’articulation forcée et joliment artificielle, semble avoir été travaillée dans ce sens. Ses grands yeux verts mélancoliques et son sourire magnétique constituent ainsi le trait-d’union qui relie l’univers des hommes qu’elle ne cesse de vouloir enjoliver avec celui, onirique et constellé d’étoiles, dont elle cherche à percer les mystères. Qui d’autre que Véra pourrait se lier d’amitié avec un flamant rose qu’elle dénomme logiquement Hatchepsout ? C’est également sa présence qui amène ses compagnons à pousser la chansonnette le temps d’une parenthèse parfaitement intégrée dans le récit. C’est toujours elle qui entame avec Rémy des pas de danse empreints d’une maladresse touchante. Il faut dire que dans « OVNI(s) », à l’instar des films d’Hazanavicius et de ses « OSS » dont on retrouve les couleurs chatoyantes, chaque mouvement de personnage semble chorégraphié de manière à apporter un plus, souvent comique, aux situations.

 

 

Bilan

 

Alors oui, « OVNI(s) » est une série de science-fiction. Mais elle est bien plus que cela. Drôle, rafraîchissante, inventive, colorée, bien interprétée et magnifiquement mise en scène, elle est surtout un OVNI télévisuel qu’il serait aberrant de négliger. Un régal, tout simplement !

 

Disponible sur MyCanal

 

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