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Infiniti

La narration d'«Infiniti» prend sa source dans l’existence de la Station Spatiale Internationale (ISS) en orbite autour de la Terre depuis 1998 mais dont la construction s’est seulement achevée en 2011 en raison du coût exorbitant de sa mise en fonctionnement. Les objectifs de cette station sont actuellement dévolus à la recherche scientifique, particulièrement biologique et astronomique. Projet initialement lancé par la NASA en 1983, la Russie s’est jointe au programme en 1993. Maintenant occupée par un équipage international qui ne cesse de se relayer, son réapprovisionnement s’effectue également par l’intermédiaire de cargos américains et russes bien sûr, mais aussi européens, japonais et canadiens. Les défenseurs de ce projet mettent ainsi en avant le caractère symbolique de cette collaboration multiculturelle de pays qui, sur le plan politique, ne sont pas toujours en symbiose.

 

 

C’est donc au cours d’une de ces missions de ravitaillement qui a vu le spationaute américain Anthony Kurtz remplacer au pied levé son homologue française au service de la Russie Anna Zarthi, que tout déraille. En effet, l’amarrage ne se déroule pas comme prévu et le cargo percute frontalement la station. Très endommagée, celle-ci part à la dérive autour de la Terre et l’équipage qui la compose ne répond plus. Dès lors, dans la base spatiale russe de Baïkonour, située au Kazakhstan, les relations entre l’ingénieur russe Emil Durkhov en charge de cette mission (ratée) et ses homologues étrangers, commencent à se tendre sérieusement. Par ailleurs, au même moment et à quelques kilomètres de là, un homme sans tête enduit de cire est retrouvé au sommet d’un immeuble. Le commissaire Kazakh Issac Turgun, en deuil depuis la mort tragique de son fils, est chargé de l’enquête. Bien évidemment, on découvrira que ces deux fils narratifs, piochant respectivement dans la science-fiction et le polar, sont étrangement reliés par des origines communes.

 

 

Pour construire une intrigue policière efficace, certains ingrédients semblent indispensables : meurtres ritualisés, enquêteur désespéré, hommes en noir dans de gros SUV, flics ripous, assassinats sanglants et conspirateurs à priori en dehors de tous soupçons. Et malheureusement pour elle, «Infiniti» peut se targuer de cocher toutes les cases citées. C’est malheureux car à trop exploiter les filons d’un genre, la série parvient à en annihiler la plupart de ses effets. Pourtant, il est indéniable que certaines œuvres télévisuelles sont jusque-là parvenues à mettre en scène ces différents éléments et à les transcender. Alors, qu’est-ce qui coince ? Et bien, tout d'abord, il manque à «Infiniti» une grande dose de folie dans un scénario, certes bien ficelé, mais trop convenu pour être captivant. Des procédés narratifs couramment utilisés pour créer la surprise, il aurait peut-être fallu en briser quelques-uns et ainsi étonner le spectateur par l’inventivité de son scénario. Par ailleurs, l’empathie ressentie pour des personnages dont l’humanité n’a pas été assez développée, manque d’intensité et ne nous permet pas de nous identifier à l’un d’entre eux. Alors, ils peuvent bien mourir, malheureusement pour eux (et pour nous), aucun frisson ne nous parcourt l’échine. Enfin, il manque à cette série la dose d’horreur qui aurait pu nous questionner sur la nature humaine. Celle qui avait fait de «True Detective», «Sharp objects» ou encore «The killing», des monuments du genre.

 

 

On pourrait arguer que ces séries étaient pourvues d’univers visuels très personnels qu’«Infiniti» et son Kazakhstan parviennent à concurrencer. Certes, ses étendues plates et désertiques sont dépaysantes. Ses traditions ancestrales retranscrites à l’écran procurent à l’ensemble une dose de mysticisme intriguant quoique assez classique quand il s’agit d’expliquer l’inexplicable. Mais il ne suffit pas de filmer de beaux paysages pour insuffler une identité forte à une œuvre. Parfois, la simple vue de jeunes filles s’essayant aux patins à roulettes sur les routes bitumées d’une ville banale des États-Unis suffit à nous glacer le sang («Sharp Objects»). Alors, oui, c’est beau, mais ce n’est clairement pas assez. D’autant que sur le plan formel, la bande-son s’avère catastrophique en ne cessant de souligner grossièrement les moments où il est attendu du spectateur qu’il ressente de la tension. Abusant de notes répétées en crescendo, elle balise trop le chemin dans une direction qu’en mauvais élève, on rechigne à emprunter. Et elle nous extrait, à son corps défendant, de l’ambiance qu’elle s’était efforcée à instaurer.

 

 

Quant à la partie science-fiction, elle est elle aussi fidèle aux canons imposés. Jouant classiquement sur les notions d’espace/temps, elle n’a rien de révolutionnaire mais sa logique est bonne et c’est clairement un atout dont le genre ne peut se départir. Malheureusement, son impact est limité tant elle semble engloutie dans un schéma narratif principalement dicté par son versant polar. En comparaison, la première saison de «The expanse» parvenait à concilier ces deux volets de manière plus harmonieuse et originale, que ce soit dans sa structure que dans son propos. Car sur ce dernier point également, «Infiniti» ne parvient pas à porter un regard interrogateur sur le monde qu’elle décrit. Certes, au moment de clore le récit, un semblant de discours humaniste surgit de manière impromptue, mais il semble plus constituer une figure imposée par le sujet qu’une réelle conviction idéologique des auteurs. Mais concrètement, la série ne semble pas avoir d’autres prétentions que de raconter une bonne histoire, ce qui est tout à son honneur, mais réduit malgré tout son intérêt.

 

 

Au final, la plus grande qualité de d’«Infiniti» réside dans le fait d’être parvenue à conjuguer polar et science-fiction en un tout cohérent. Cependant, devant la difficulté de la tâche et désireuse de bien faire, il semble qu’elle aie oublié de se trouver une âme en chemin. Cela lui aurait peut-être permis de prétendre à autre chose que ce qu’elle est, à savoir une série agréable à regarder mais pour laquelle l’enthousiasme est modéré lorsqu’il s’agit d’enchaîner les épisodes.

 

Disponible sur MyCanal

 

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