· 

The undoing

Grace est une psychothérapeute qui exerce sa profession dans les quartiers huppés de Manhattan. En soi, elle n’aurait quasiment pas besoin de travailler tant son père, Franklin, est fortuné. De surcroît, elle partage sa vie avec Jonathan, un oncologue de renom qui entretient son côté charmeur à travers une forme de cynisme mesuré. Dans ce cadre, leur enfant unique, Henry, ne pouvait pas fréquenter un autre établissement que celui de Rearon, une école privée prestigieuse aux frais de scolarité démesurément élevés. Il n’y aurait aucune ombre au tableau si Franklin n’éprouvait pas une aversion profonde pour son gendre. De plus, après que Grace a fait la connaissance d’Elena Alves, une mère d’élève de milieu modeste mais au comportement intrigant, un meurtre atroce est commis dans le quartier. Dans le même temps, Jonathan disparaît dans la nature et devient de fait le suspect numéro un. Leur petite vie tranquille va alors tourner au cauchemar.

 

 

Un meurtre, une enquête, des suspects. Pas simple de créer une histoire originale avec un fonctionnement qui a été vu et revu au cinéma et qui, s’il a eu ses heures de gloire notamment à travers des séries nordiques devenues mythiques, est tout de même tombé en désuétude. Pourtant, l’auteur David Edward Kelley n’en est pas à son premier coup d’essai car il avait auparavant réalisé « big little lies ». Entre son actrice principale, le fait qu’il y ait un homicide, et qu’elles s’inscrivent dans un milieu social très « haut de gamme », ces deux productions ont beaucoup de similitudes. A une différence près, et elle est de taille. En effet, « Big little lies » nous décrivait des personnages autocentrés et mesquins mais finalement unis dans l’adversité. Cela leur procurait une respectabilité qui les dédouanait de leur attitude d’enfants gâtés et c’était très agaçant. Ici, on ne nous demande pas de les apprécier ni de compatir à leur sort. On les voit lutter dans leur marasme doré pour sauver un honneur dont on se fiche et c’est une très bonne chose. Du coup, on peut pleinement profiter du spectacle qu’ils nous proposent tout en les gardant à distance respectable.

 

 

La contrepartie de ce détachement bienvenu est qu’on peut trouver cette série froide. En fait, elle est à l’image de l’environnement dans lequel elle évolue. Ainsi, les balades nocturnes de Grace dans Time Square nous dévoilent un quartier qui a perdu tout élan vital. Propre et déserté, il ne semble exister qu’au travers des fenêtres d’immeubles éclairées qui le composent. Ces lumières de façade font tristement écho à la superficialité de ce monde où les lustres de salon écrasent de leur poids les hommes qui les hébergent. Ce qui accentue aussi le caractère glacial de l’ensemble (et c’est plus embêtant) est qu’une nouvelle fois, le visage raidi de Nicole Kidman n’arrive plus à transmettre les émotions nécessaires à réchauffer son personnage. Mais si ses expressions sont réduites à peau de chagrin, elles lui permettent cependant de jouer correctement le rôle d’une femme qui tente de garder la tête hors de l’eau dans un contexte extrêmement tendu. Au final, de tout cela se dégage une atmosphère qui colle parfaitement avec le récit.

 

 

Heureusement, en opposition à la figure statufiée de Nicole Kidman, Hugues Grant est magnifique dans son rôle d’homme traqué qui essaie de ne pas perdre l’amour de ses proches tout en restaurant son intégrité. De par son visage protéiforme qui alterne entre séduction et fragilité, il arrive parfaitement à retranscrire les différentes facettes de la personnalité complexe de Jonathan. Cependant, ne cherchez pas à travers ces lignes à percer le mystère de son éventuelle culpabilité. L’intrigue est suffisamment bien ficelée pour que, jusqu’à la dernière minute, on n’en sache rien. Elle nous balade habilement d’un suspect à un autre en usant de cliffhangers bien amenés. D’autre part, les rapports ambigus que les protagonistes entretiennent contribuent aussi à cette incertitude. Tous seraient susceptibles d’être en proie à une folie destructrice tant ils sont humains. Et comme le dit Haley, l’avocate de Jonathan, « les riches ont toujours des choses à cacher pour se protéger, protéger leur famille et leur place dans la société ». Cette dernière est d’ailleurs l’autre personnage passionnant de la série. Elle dévoile une facette terrifiante du métier d’avocat, prête à tout pour défendre son client, quitte à user de moyens d’une violence cynique absolue. Et au final, de cette intrigue, on ne décèlera pas de failles. Elle est implacable et stimulante.

 

 

Stimulante, la série l’est aussi sur la forme car l’ensemble de la production est au diapason de la narration. Ainsi, la musique n’est jamais redondante avec ce qui est montré à l’écran et participe, à l’aide de jeux sonores dissonants, à créer une tension que les images ne suggèrent pas forcément. De même, certains plans sont positionnés de manière à ce qu’on visualise les scénarios fantasmés par les personnages. Présentés sous forme de flashs, ces éléments que l’on retrouve souvent dans ce genre d’histoire, sont ici bien amenés. De plus, l’effet judas qui centre un point net tandis que le reste est flou et déformé contribue au climat oppressant de ces visions. On est une fois encore proche d’effets déjà testés dans « big little lies », mais dans ce cas, ils étaient répétitifs et tentaient vainement d’insuffler au récit un halo mystérieux confondant de lourdeur.

 

 

On est donc tenu en haleine jusqu’au bout. Mais lorsque la vérité finit par éclater, comme souvent dans les récits policiers, on ressent une sorte de déception. Non pas que la fin soit ratée, mais la magie tient principalement dans le doute et les interrogations que se pose le spectateur. Le dénouement révélé, on ressent la même frustration que lorsqu’un magicien finit par nous dévoiler les coulisses de son tour. Heureusement, les répliques finales nous recentrent magistralement sur l’ampleur de la folie qui a façonné ce drame et c’est assez terrifiant. Elles viennent compenser à point nommé une séquence assez grotesque de course au ralenti sur un pont, seule véritable faute de goût de cette série au genre et au scénario assez convenus, mais au style suffisamment travaillé pour que le plaisir soit au rendez-vous.

 

Disponible sur OCS

Écrire commentaire

Commentaires: 0