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Le Serpent

Charles Sobrajh, un français résidant en Inde en 1974, se faisait passer pour un négociant en pierres précieuses. Mais bien aidé par sa compagne Leclerc (une canadienne) et son comparse Chowdhury, l’activité principale de Sobrajh était de séduire les touristes de passages (des hippies majoritairement), de les droguer, de les détrousser puis de les faire disparaître. Actuellement reconnu responsable par la justice du meurtre de 18 personnes, on comprend en regardant cette série qu’il est fort probable que son tableau de chasse soit bien plus étoffé que ce que les procès ont prouvé jusqu’à maintenant. Et pour en arriver à son arrestation définitive en 2003, il aura fallu que, 30 ans plus tôt, de jeunes néerlandais disparaissent pour éveiller les soupçons d’un jeune diplomate qui fera du cas Sobrajh une obsession.

 

« Le serpent » est donc une histoire largement inspirée de faits réels qui met en scène un sérial killer donc des meurtres. Mais même en étant prévenus, les premiers épisodes sont tout simplement glaçants ! Car les procédés que Sobrajh met en œuvre pour arriver à ses fins s’avèrent d’une cruauté absolument sidérante, impression renforcée par le peu de scrupules que celui-ci manifeste à l’écran. Sobrajh nous est clairement décrit comme un psychopathe d’une froideur hallucinante, ce qu’il semblait réellement être. A ce titre, Tahir Rahim, qui interprète le rôle, est très convaincant. Toutefois, comme il ne s’agit pas d’incarner un personnage torturé aux multiples facettes, on assiste à une performance glaciale et effrayante à souhait, mais qui manque fatalement de nuance. Et si elle est au diapason avec la psyché de ce « serpent », il est aussi difficile de s’enthousiasmer devant cette continuelle froideur et ce visage aux expressions rigides.

 

 

Pour en revenir à l’effroi que procurent les premiers épisodes, celui-ci est renforcé par le fait que les auteurs prennent le temps de nous familiariser avec les sympathiques victimes. Et si on est d’abord effaré de les voir souffrir sans qu’elles aient la moindre échappatoire, on tremble pour les suivantes puisqu’on sait qu’en toute logique, la mort est au bout du chemin et qu’on a juste envie de leur crier de partir. La qualité du montage accentue beaucoup l’appréhension que l’on peut ressentir quant à la suite des événements. Le récit est en effet ponctué d’incessants allers-retours dans le temps qui nous permettent de connaître à l’avance la destinée de la plupart des protagonistes. Les pièces du puzzle s’assemblent ainsi petit-à-petit sous nos yeux sans que jamais on ne se sente perdus. De ce point de vue, la série est assez brillante.

 

 

Toutefois, après ces premiers épisodes où les meurtres se succèdent, on commence à espérer que le schéma narratif, aussi efficace soit-il, évolue car il n’est pas tenable sur 8 épisodes. On va alors porter notre attention sur les liens entre les personnages, principalement celui qui unit Sobrajh et sa femme Leclerc. Et de ce point de vue, il y a de quoi être déçu. Il y avait matière à créer quelque chose de fort mais cela tombe un peu à plat en raison d’une performance d’actrice pas à la hauteur de l’enjeu de cette relation perverse et complexe. Manque d’intensité, accent québécois catastrophique, il est malaisé de ressentir les conflits internes qui l’habitent. Ceux de Ajay Chowdhury, l’acolyte dévolu aux basses œuvres de Sobrajh, nous sont plus accessibles. Sa basse condition sociale qui le rend dépendant de la réussite des autres, l’admiration qu’il porte à son gourou, son sourire candide et la gentillesse qui émane de ses expressions… Tous ces éléments en font un personnage assez intrigant…

 

 

Quant aux occidentaux qui contribueront à son arrestation, seule Nadine retiendra notre attention : regard vitreux, sourires de circonstances bien simulés… La peur ou le sang-froid dont elle fait preuve sont impeccablement retranscris. A l’inverse, l’obsession trop conventionnelle d’Herman ne deviendra jamais nôtre. Et c’est dommage car la réalité aurait voulu qu’on ne désire qu’une chose : l’arrestation de ce « monstre ». Sur ce point, indépendamment de la performance assez neutre de Billy Howle dans le rôle d’Herman, on peut aussi pointer du doigt le parti pris de la mise en scène qui tend à dresser sur un piédestal le machiavélisme de son « héros ». Celle-ci est d’ailleurs le plus gros point noir de « le serpent » Très netflixienne, percluse d’effets de styles pompeux (ralentis, musique balourde), elle plombe clairement le récit. Vraiment dommage car l’horreur n’est jamais aussi violemment ressentie que quand elle est sobrement exposée. En virant dans le grand spectacle, la série perd clairement de sa substance. On ressort donc un peu frustré de ces 8 épisodes car, malgré le scénario incroyable que cette histoire « vraie » nous relate, il y avait moyen de faire plus avec moins.

 

Disponible sur Netflix

 

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