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The Great (saison 2)

Rappel

 

On avait laissé Catherine la Grande en plein coup d’état contre son cher mari et empereur de Russie, Pierre III. En effet, devant la cruauté et l’égocentrisme de ce dernier, la jeune femme s’était petit-à-petit persuadée qu’elle n’avait d’autres choix que de le destituer par la force, quitte à sacrifier son amour. La rivalité au sein d’un couple royal drôle et magnifiquement campé par deux acteurs épatants, était une des grandes forces de cette première saison. Catherine, tout juste débarquée d’Allemagne et biberonnée aux idées des Lumières, avait tout d’abord été heurtée par le vice et la violence de la Cour de Russie. Et si les exactions de son mari envers son peuple semblaient réellement la révolter, on se demandait si la volonté de s’emparer du pouvoir ne relevait pas non plus d’un caprice de petite fille gâtée. Se découvrant tout-à-coup une passion pour un pays hôte dont elle ignorait tout, elle semblait, derrière un humanisme non-feint, vouloir imposer à une nation sa vision du monde sans prendre en compte les spécificités d’un pays aux mœurs très éloignés des siens. Quant à Pierre, confronté au travers de son épouse à des valeurs qui lui étaient étrangères, il se trouvait vite désemparé devant l’attitude incompréhensible de cette drôle de femme. Bien qu’il ait du mal à le formuler, son affection pour elle prenait sa source dans l’intelligence qu’il percevait chez elle et la singularité de ses positions. Mais si affection il y avait, elle se manifestait souvent avec la candeur bestiale et cruelle qui le caractérisait naturellement. Par ailleurs, outre ces deux personnages croustillants, l’univers clos du palais où se déroulait l’action, son humour grivois, ses dialogues anachroniques et son désir de fuir une réalité historique faisaient de « The Great » une œuvre tout à fait rafraîchissante et unique. On se demandait alors quelle direction allaient prendre les auteurs : rester sur une ligne directrice rassurante ou ouvrir son récit à de nouvelles composantes quitte à dénaturer l’esprit originel de cette histoire ?

 

 

Ça commence bien !

 

Le premier épisode se contente de clore l’arc narratif laissé en plan à la fin de la saison 1, sans doute pour ménager le suspense. A défaut d’être brillant, l’élément scénaristique qui le conclut est assez cocasse et on attend donc la suite avec impatience. Et lors de l’épisode 2, les complots et tractations politiques vont bon train, confrontant Catherine à la difficulté de la tâche qui l’attend à réformer un pays très conservateur. Le comique de situation est mis en valeur par des dialogues percutants et soignés portés par des acteurs toujours aussi excellents. Par ailleurs, la violence ne semble jamais très loin. On reste dans la lignée de ce que l’on connaissait et cela nous va très bien.

 

 

Aïe !

 

Et puis, patatras… Ensuite, plus rien … ou presque. Impossible de se souvenir du contenu des événements qui suivent. On comprend que l’objectif des auteurs est de mettre en avant l’évolution psychologique de Pierre et de Catherine. Et s’ils ont plutôt accompli leur mission, les péripéties mises en scènes pour y parvenir sont d’une telle platitude narrative que l’on s’ennuie ferme durant des épisodes qui durent près d’une heure. Car en centrant l’enjeu de son récit sur ses deux figures principales, la série délaisse ses personnages secondaires. Pour Orlov, Velementov, Marial, Elizabeth et les autres, point d’évolution propre à bousculer l’ordre établi. Si certains voient simplement leur situation maritale évoluer, d’autres restent cantonnés à leurs sempiternelles petites manigances entre amis qui brassent du vent. A ce titre, on se prend un moment à espérer que le retour à la cour d’une de ces instigatrices vienne chambouler un équilibre dont n’émane aucune surprise mais on comprend vite qu’il n’en sera rien.

 

 

Toujours les mêmes ingrédients

 

Le pire, c’est que même les procédés comiques deviennent répétitifs. Certes, on appréciera la moue dépitée du général Volentov à chaque fois que la guerre lui est refusée ou les sourires sadiques d’Orlo quant il s’agit d’étriper un éventuel opposant. De même, les salutations enjouées et fugaces de Pierre envers sa future progéniture ainsi que certains jeux de mots bien trouvés sont assez jubilatoires. Mais en dehors de cela, il devient vite lassant de voir Catherine manger de la terre ou poser une grenouille sur son ventre. Il reste donc un humour verbal qui se situe principalement au-dessous de la ceinture. Pour humilier un ami, manipuler ses adversaires ou de manière gratuite (quel intérêt autre que l’auto-caricature involontaire y-a-t-il à filmer un dialogue pendant que les protagonistes font pipi ?), le sexe est aussi bien sur toutes les lèvres que dans les couloirs du palais. Il l’était déjà lors de la première saison, mais il servait la narration. Ici, même Archbishop est la victime de scénaristes qui ne savaient visiblement pas comment faire évoluer un personnage pourtant passionnant. En revanche, la récurrence de situations évoquant le cunnilingus trouve son sens car cette pratique renvoie à une servitude que la Reine impose alors qu’elle a à cœur de l’abolir socialement. Mais sur ce sujet, le ton volontairement « direct » que la série emploie manque pour le moins de finesse. Et c’est dommage car la problématique de l’asservissement est l’une des seules à être efficacement mise en images dans ce microcosme représentatif de la société russe qu’est le palais royal. Et c’est peu dire que la violence froide qui découle de l’affranchissement soudain des castes sociales fait froid dans le dos. Elle illustre parfaitement la difficulté qu’il peut y avoir à faire appliquer un programme aux antipodes des codes sociaux en vigueur. On ne fait pas évoluer les mentalités d’un coup de baguette magique : cela nécessite patience et compromis. Par ailleurs, cette séquence se clôt sur une des seules scènes émouvantes d’une série plus proche de la farce cruelle que du mélodrame. En effet, outre ce passage, seul le final, scénaristiquement assez réussi, parvient à nous attendrir. Mais ces quelques moments lumineux ne parviennent pas à nous faire oublier que la série tourne en rond.

 

 

Ouf, du sang neuf !

 

Alors, qu’a-t-il donc manqué à « The Great » pour que ses acteurs (excellents), ses dialogues (bien tournés) et son ton (original) retrouvent tout leur pouvoir de séduction ? Et bien la série parvient ironiquement à fournir elle-même une réponse convaincante à cette question en intégrant durant un temps trop bref un nouveau personnage qui n’est autre que la mère de la Reine, jouée par une Gillian Anderson toujours formidable quand il s’agit d’incarner les femmes vénéneuses. Les auteurs renouvellent alors leur écriture et lui offrent des répliques dignes de leur talent. Un vent de fraîcheur et de renouveau souffle subitement sur une série qui ne se contente plus de balancer à la volée une infinité de « Fuck ! » pour amuser son monde. Alors, maintenir sa ligne ou s’ouvrir à de nouveaux horizons ? La réponse est sans appel : au vu de son potentiel énorme, il nous reste vraiment à espérer que « The Great » sorte de sa zone de confort et s’ouvre d’une manière ou d’une autre sur l’extérieur de peur de vite sentir le renfermé…

 

Disponible sur Starzplay  

 

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