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The new pope

Cette suite de la série « the young pope » se déroule quelques semaines après que Lenny Belardo a dû quitter de manière temporaire sa fonction de pape. Le cardinal Voiello et ses camarades se voient donc dans l’obligation d’en choisir un nouveau. Et après une regrettable erreur de casting racontée en un épisode tout à fait dispensable, le choix se tourne vers John Brennox (John Malkovich), un anglais reclus dans son manoir de la banlieue londonienne. Cet aristocrate a une très belle notoriété dans le milieu ecclésiastique grâce au retentissant ouvrage qu’il avait écrit dans sa jeunesse. Mais, s’il a aussi la réputation d’un homme modéré dans son discours, il est, de son propre aveu, « fragile comme de la porcelaine ».

 

 

Les saisons 2 sont toujours délicates à appréhender pour des auteurs qui doivent prolonger une histoire avec un style déjà établi sans faire de redite. C’est encore plus délicat quand la saison 1 a été acclamée par la critique et qu’une comparaison qualitative ne manque pas de s’effectuer .

 

Tout d’abord, si elle semblait surtout être un cadre propice au propos de son auteur, l’institution religieuse est dans ce second chapitre plus soumise à la critique. Les cardinaux sont peu soucieux du bien-être général et pensent avant tout à leur petite personne. Ainsi, il faudra que l’un d’entre eux perde son poste pour qu’il daigne s’occuper des revendications légitimes des nonnes du couvent. Un autre avouera qu’il se fiche éperdument du sort des orphelins du monde entier. Quant à leurs privilèges, gare à celui qui oserait leur en priver ! Par ailleurs, l’Église est éclaboussée par les scandales de pédophilie, ce qui est l’occasion d’évoquer l’accès des prêtres à une sexualité qu’ils ont bien du mal à gérer. Ces sujets assez consensuels constitueront une porte d’entrée permettant à Sarrentino de faire étalage du style qui le caractérise en plus de développer ses idées.

 

 

Et si le pouvoir et son exercice étaient au cœur de son premier volet, l’amour et la manière dont il est délivré sont les clés de celui-ci. On le voit castrateur quand il s’agit de celui d’une mère qui refuse que son fils puisse aimer une autre qu’elle, fanatique quand il se cristallise sur un homme de foi ou avilissant quand il est empreint de perversion. Le message est qu’il se doit d’être mesuré et débarrassé de son caractère passionnel. Quant à savoir si offrir son corps par charité est de la prostitution ou une forme sacrée du don de soi, la question n’est pas tranchée. Cette vision ambivalente des choses est à nouveau centrale dans le discours et la mise en scène de Sarrentino. Les danses sensuelles du générique autour d’une croix illuminée annoncent la couleur et le récit sera ainsi parsemé de scènes profanes de qualité inégale. En effet, tandis que le strip-tease effectué devant une poignée de freaks est assez superbe, la relation entre Cécile de France et son conjoint laisse perplexe.

 

 

Mélanger des genres opposés a contribué à créer une atmosphère décalée très inspirante dans « The young pope ». Mais fallait-il forcer le trait ? Car pour le coup, Sorrentino est parfois en roue libre. Ainsi visuellement, si la sexualité et la foi se juxtaposent, le ton passe lui aussi du grave au léger en un clignement de cil et des hommes de Dieu côtoient des lascars patibulaires qui aiment manger des palourdes. Dans un style plus baroque que jamais, il abuse aussi des mouvements de travelling circulaire jusqu’à donner le tournis. On en vient à regretter les arabesques contenues de la saison 1.

 

 

Mais s’il y a une chose qui ne change pas, ce sont les discours des hommes de pouvoir. A vrai dire, on les attend avec gourmandise et restent les points d’orgue de la série tant ils sont bien écrits. Et mis à part un long monologue pénible sur le caractère innocent et pur des personnes handicapées, on se délectera d’une tirade sur la tendresse ou de cet angélus magnifique désignant les reclus comme les véritables représentants de l’Église. (Mais bon sang, pourquoi forcer l’émotion en montrant les larmes des auditeurs ?) Et si ce moment est aussi percutant, c’est que la prestation toute en retenue de John Malkovich y est pour beaucoup. Hanté lui aussi par son passé, ce nouveau pape est, de par son calme et sa mesure, une sorte d’anti-Lenny. L’épisode où on le découvre dans son château est un vrai moment de douceur et on se délecte de la diction si précise et délicate de son auteur. Pour autant, le personnage n’est pas aussi électrisant que son prédécesseur et ne suffit pas toujours à compenser le manque de cohésion narrative des premiers épisodes.

 

 

Car Sorrentino a tellement de choses à dire qu’il nous laisse un peu circonspect devant cette narration explosée qui alterne artistiquement le brillant et l’esbroufe. Mais, tel un catalyseur, la réintroduction de Lenny dans l’histoire va dynamiser l’ensemble. Il réinjecte la notion de « mystère » qui, comme il le dit lui-même, insuffle toute sa force à la croyance religieuse. Et son personnage en est l’incarnation. Dans le cas présent, il permet aussi au spectateur d’accepter avec un certain plaisir les miracles que sa présence suffit à déclencher... alors qu’on avait paradoxalement du mal à croire aux situations « réalistes » qui nous étaient alors contées. Enfin, si dernier miracle il y a, tout le mérite en revient à son auteur. Car sur un dernier coup de rein, il parvient grâce à un élément narratif assez génial, à rassembler toutes les pièces du puzzle qu’il avait disséminé pour en dégager une cohérence inespérée et éclairer de manière très intelligente son propos.

 

 

Au final, « The new pope » est tout de même excessive : que ce soit dans sa mise en scène ou dans la quantité des sujets traités , elle manque de retenue. Heureusement, ses formidables acteurs, ses moments de grâce, ses génériques amusants et son final lui permettent en partie de compenser ses péchés de grandiloquence.

 

Disponible sur Canal +

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