· 

I know this much is true

Dominick et Thomas Birdsey sont deux frères jumeaux d’origine italienne nés aux Etats-Unis dans la bourgade tristounette de « Three Rivers » aux débuts des années 50. Leur mère, qui se refuse de dévoiler à ses enfants l’identité de leur père, se chargera de leur éducation avec Ray, son nouveau compagnon. Mais celui-ci, de part sa sévérité et une main leste, leur mènera la vie dure et ils ne seront pas épargnés par les humiliations et les sévices. Du moins, Thomas plus que Dominick. Car si le second semble plutôt correspondre aux schémas qu’un père peut projeter sur sa progéniture d’adoption, Thomas montre des troubles du comportement incompatibles avec les valeurs patriarcales que représente Ray. Et plus les enfants vont grandir, plus les manifestations paranoïaques de Thomas vont s’amplifier. Quand on découvre ces deux frères, ils sont à l’orée de leurs 40 ans. Leur mère est morte d’un cancer et Dominick est séparé de Dessa, l’amour de sa vie, mais entretient une relation avec une jeune femme, Joy, pour qui il ne ressent aucun sentiment. Alors quand Thomas prend l’initiative de se couper la main au beau milieu d’une bibliothèque, Dominick va tenter coûte que coûte de protéger son frère en s’élevant contre les institutions de soin qui le considèrent comme dangereux.

 

 

A travers cette introduction, on perçoit que les malheurs qui vont frapper les membres de cette famille seront multiples et de ce point de vue, la série n’y va pas avec le dos de la cuillère. Et cela s’avère être un problème car l’excès d’événements contraires à leur bonheur tend à amoindrir l’implication du spectateur dans cette tragédie qui perd parfois en crédibilité. Contrairement à cet écueil que l’on ressent durant le développement de l’histoire, l’autre principal défaut de cette production tient à sa conclusion. En effet, il se trouve que l’ensemble des événements aboutissent à un dénouement d’où une morale ressort clairement. On a du coup le sentiment que les auteurs ont déroulé une histoire qui leur permet de développer leur message. Mais il paraît quand même étonnant et très peu réaliste que chacun des parcours de vies qui nous sont contés ici puissent converger vers un même point. Or, toute la structure narrative est construite à cet effet et les quelques éléments qui en sont exclus (comme la relation entretenue entre Dominick et Joy) paraissent inutiles. Et si elle apparaît au final très logique, on aurait espéré une fin plus ouverte qui nous fasse réfléchir aux actes de chacun sans qu’elle nous fournisse une seule et unique clé de lecture. Une clé qui, de plus, peut porter à caution suivant la sensibilité et le vécu de chacun.

 

 

Néanmoins, la série frappe juste dans la représentation des liens qui unissent les personnages. Et en premier lieu, Dominick et Thomas. Il est déjà rare de voir à l’écran une vision de ce qu’est la maladie mentale. Pour le coup, la détérioration de l’état psychique de Thomas est montrée avec un réalisme tout à fait sidérant. De plus, les émotions ambivalentes que Dominick ressent pour son frère et la culpabilité que celles-ci engendrent chez lui sont magnifiées à l’écran par la performance d’acteur de Mark Ruffalo qui joue les deux rôles. Pourtant, rien d’impressionnant à première vue. Mais dans les deux cas, sa simplicité et son naturel la portent au rang d’extraordinaire. Derrière cette évidence, le personnage de Ray est lui aussi passionnant. L’évolution de celui-ci et sa complexité questionnent le spectateur sur les jugements définitifs que l’on pourrait porter sur quelqu’un. Son traitement sensible et sans manichéisme est l’exemple parfait de la démonstration que les auteurs tentent de mettre en avant … et se serait largement suffi à lui-même.

 

 

Mais si ces différents rôles sont évidemment porteurs de sens et ont une importance toute particulière, la distribution dans son ensemble est au diapason d’une mise en scène qui se doit d’être sobre si elle veut être crédible. Il ne s’agit pas ici d’une série à grand spectacle. Cependant, elle sait se montrer intense quand le besoin s’en fait sentir. Ainsi, la scène de « lutte » entre Dominick et les gardes de la prison où son frère doit se rendre est d’une âpreté assez impressionnante. Et sa longueur ajoute à sa dureté. De même, les scènes de psychanalyse sont d’une grande force émotionnelle et d’une justesse tout à fait étonnante, la caméra n’hésitant pas à user de zooms lents et subtils pour traquer les émotions de Dominick. Ce sont à vrai dire, les scènes les plus passionnantes et les plus denses du récit. En terme de justesse d’écriture de personnages, il est en revanche dommage que le rôle de l’assistante sociale qui gère le dossier de Thomas (par ailleurs très bien jouée par Rosie O’Donnell), soit empreinte d’une empathie telle qu’elle contraste avec le réalisme et la rugosité de l’ensemble.

 

 

Mais en dehors de sa performance d’acteurs, la série est aussi épatante dans la manière qu’elle a d’insérer différents arcs narratifs à sa structure. Car si celle de la lutte sacrificielle de Dominick pour son frère en est le socle, on y voit aussi les relations passées entre celui-ci et sa femme Dessa tout comme l’enfance et l’adolescence des jumeaux. La vie de leur grand-père via un manuscrit que leur mère leur a transmis peu avant sa mort nous dépeint aussi une Amérique née de l’immigration (ici italienne) qui prétend à une ascension sociale tout en dénigrant les personnes de couleur pourtant installées depuis des générations. Et chacune de ces histoires apporte sa pierre à la compréhension que l’on se fait de la situation actuelle. Elles sont très habilement amenées car elles s’insèrent de manière variée dans le quotidien de Dominick : classiquement dans son sommeil ou en lisant. Mais bien plus subtilement par flashs sonores ou visuels surgissant à l’improviste en montant une échelle par exemple, comme ça peut être le cas dans la vie. C’est assez brillant.

 

 

Ainsi, si la série souffre d’un excès de drames nous amenant à une conclusion imposée, on ne peut que louer la sincérité de cette œuvre qui a le mérite immense de mettre en images la maladie psychiatrique sans complaisance ni misérabilisme. Dans le même temps, elle interroge sur les liens familiaux, sur la recherche de paternité et sur le regard que l’on porte sur les gens qui nous accompagnent tout au long de notre vie. Pour le meilleur et pour le pire, à moins que ce ne soit l’inverse.

 

Disponible sur OCS. 

Écrire commentaire

Commentaires: 0