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Arcane (saison 1)

League of Legends

 

Arcane est une série d’animation qui fait beaucoup parler en cette fin d’année. Tirée du jeu vidéo « League of Legends », il n’est absolument pas nécessaire de connaître ce dernier pour apprécier la série. Celle-ci est autonome et c’est bien sous cet angle que cette chronique est rédigée, ne connaissant rien de son univers originel.

 

Deux petites filles dans l'Apocalypse

 

Ainsi, on découvre dès les premières images une ville en flammes où errent deux petites filles au milieu de soldats robotisés : Vi aux cheveux pourpres et Powder, sa petite sœur à la crinière bleutée. Celle-ci chantonne une ritournelle dont la tristesse emplit l’espace : leur mère vient de trouver la mort, les rendant toutes deux orphelines. Car en ces temps troublés, deux mondes géographiquement superposés s’affrontent : celui d’en haut, luxuriant sous la lumière éclatante du soleil et celui des parias vivant dans l’obscurité crasse des sous-sols de la ville. Prises en charge par Vander, l’instigateur de cette rébellion qui a provoqué cette guerre civile, Vi et Powder retournent alors dans les bas-fonds de la cité, définitivement scindée en deux.

 

 

Deux mondes, deux ambiances

 

De cette introduction, les images superbes nous plongent immédiatement dans un univers futuriste sombre mais onirique. Et si la petite comptine apaisante chantonnée par Powder contraste avec le tragique de la situation, c’est que dans « Arcane » tout est affaire de contrastes. A commencer bien sûr par la description de ces deux mondes distincts, magnifiquement dépeints graphiquement. En effet, sa surface colorée chatoyante, (dans un ambiance XIXème siècle anglais auquel on aurait ajouté une petite touche de Miyasaki dans son architecture bigarrée et ses matériels scientifiques d’un autre âge), contraste avec ses souterrains sombres et inquiétants, sorte d’univers cyberpunk teinté de « Blade Runner ». Dans cet endroit, le danger rôde et les voyous sont légions. Le travail de création d’univers est évidemment, et cela saute aux yeux, une des grandes forces de cette série. Le style de la faune qui leur est associé à chacun d'eux renforce cette cohérence ! Quel travail !

 

 

Un graphisme au service des émotions

 

Passé ce préambule alléchant, nous retrouvons ces personnages quelques années plus tard. Hanté par les événements passés, Vander ne cherche plus que la paix et la compromission avec les habitants d'en haut. De son côté, Silco, ancien camarade de Vander, ne se satisfait pas de cette situation et cherche à prendre le leadership du monde des reclus. Mais après un braquage raté dans le laboratoire d’un scientifique de la haute ville, la situation des deux jeunes filles devient plus confuse. On suivra dès lors les chemins distincts et conflictuels que celles-ci emprunteront. Autour d’elles, une multitude de personnages à la psychologie particulièrement travaillée verront leur l’humanité magnifiquement mise en valeur par la qualité graphique de l’ensemble. Et si l’animation conserve légèrement l’esprit jeu vidéo dans l’amplitude et la relative lenteur des mouvements, elle n’enlève rien à l’expressivité étonnante des visages. A ce niveau, Powder est incontestablement le pilier de la série, le principal vecteur d’émotions intenses et contradictoires. Elle démontre à elle-seule que l’amour, le sentiment d’abandon, la haine et la culpabilité peuvent cohabiter en une seule et unique personne. Elle est ce mélange détonant de fragilité et de folie absolument ébouriffant.

 

 

Des relations fortes

 

L’autre tour de force d’« Arcane » est d’avoir réussi à développer les liens complexes et ambigus qui unissent les personnages. Bien sûr, la relation entre les deux sœurs constitue l’élément central de la narration. De par les environnements distincts dans lesquels elles évoluent et l’influence de leur entourage, celle-ci se révélera assez poignante. Mais certaines valent également leur pesant d’or : que dire de l’homosexualité latente qui unit Vi et Caitlyn si ce n’est que son traitement respire la délicatesse ? Ou encore du rapport filial émouvant qui s’établit entre Jinx et Silco, que le final, magnifique d’originalité et d’intensité, met en exergue. Il humanise subtilement Le « méchant » de la série, ce qui est toujours un atout. On pourrait encore citer Jayce et Viktor, Ambressa Metarda et sa fille… Un regret cependant : la série va trop vite. Les scènes, parfois très courtes, s’enchaînent et rendent confuses des relations qui auraient mérité un peu plus de temps au spectateur pour bien mesurer leurs enjeux. On pense à Silco et Vander ou Viktor et son mentor… Deux épisodes supplémentaires n’auraient pas été de trop mais on peut espérer que la saison 2 rende plus clair ce qui ressemble encore à des esquisses.

 

 

Une réflexion politique intelligente

 

Cette précipitation dans la narration nuit aussi parfois à la bonne compréhension des différents aspects politiques et diplomatiques qu’«Arcane» traite par ailleurs très intelligemment. Car comme dans bon nombre de sociétés émanant de l’univers de la SF, celle-ci parle également de notre monde, de la manière dont on le construit et des conséquences qui en découlent. Jusqu’à quel point faut-il parlementer avec l’« ennemi » pour obtenir la paix ? La répression est-elle la seule issue pour rétablir l’ordre ? La série démontre aussi à quel point la scission d’une société en deux parties distinctes (riches et pauvres) est un cauchemar insoluble pour une civilisation. Que ce qu’on appelle « classe moyenne » est un chaînon dont on ne peut se passer. Quant à l’utilisation de la technologie, la série nous rappelle de manière plus classique mais parfaitement intégrée au récit que son utilisation est à double tranchant : si elle assure une meilleure qualité de vie à sa population, elle n’en reste pas moins meurtrière. Enfin, il est à noter que bon nombre des sujets évoqués sont mis entre les mains des femmes. On pourrait donc penser que l’on a à faire à une série féministe. Toutefois, le bon article visible sur ce lien https://thomasspok.blogspot.com/2021/12/arcane-serie-netflix-personnages-et.html?fbclid=IwAR3QvHV6oRduhOUByBu5pTLQhfV-WeYpwZGnaTTd7knjRwBDByqUOH_-iCI conclut qu’il n’en est rien et que les femmes présentes à l’écran se comportent comme des hommes. C’est peut-être simplement parce que quel que soit le sexe des individus, quand il s’agit de sentiments et de politique, un humain reste avant tout un humain.

 

 

Vivement la suite !

 

On finit donc cette première saison avec une seule envie : continuer l’aventure avec Vi et les autres. D’abord parce que l'intrigue est captivante en plus d'être surprenante. Le cliffhanger final nous laisse d'ailleurs pantois. Mais on a aussi l’espoir que le flou de certains éléments de l’histoire se dissipe et que le puzzle s’assemble définitivement. Et parce que l’on veut savoir ce qu’il va advenir de chacun. Car on les aime et on aimerait que chacun d’eux trouve la paix… et puisse vivre dans un monde enfin en harmonie. Mais l’homme, enlisé dans l’engrenage d’une société pleine de compromissions et envahi d’émotions qui le dépassent, en a t-il vraiment les moyens ? Passionnant !

 

Disponible sur Netflix

 

Et du "Côté séries", ils en pensent quoi ?

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