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Only murders in the building (saison 3)

Meurtres à l’Arconia

 

Alors qu’Oliver Potnam se réjouissait de présenter son nouveau spectacle sur les planches de Broadway en tant que metteur en scène, l’acteur à qui il avait confié le premier rôle s’écroulait en pleine représentation pour des raisons inconnues. Une catastrophe pour lui, une aubaine pour les spectateurs qui avaient apprécié les deux premières saisons de la truculente « Only murders in the Building ». Pour rappel, il s’agissait jusque-là pour quelques détectives amateurs de percer les mystères entourant les morts brutales de résidents du gigantesque Arconia, un immeuble constitué d’une faune hétérogène susceptible d’accueillir de potentiels meurtriers. Mués par une volonté commune de tirer ces malencontreuses affaires au clair, une jeune femme oisive, un acteur has-been et un metteur en scène déchu s’allièrent alors dans le but de palier à l’impuissance de la police locale. Avec deux crimes résolus à leur actif, Mabel, Charles et donc Oliver avaient mis en exergue toute leur malice et leur inventivité juvéniles dans la résolution de meurtres que n’auraient pas reniés Agatha Christie. A l’évidence, Steve Martin et John Hoffman, les deux auteurs de la série, prenaient un plaisir communicatif à imaginer des enquêtes dont la légèreté de ton se trouvait décuplée par la fantaisie émanant de l’improbable trio chargé officieusement de les résoudre. Car au-delà de ses scenarii plutôt bien ficelés, « Only murders in the buiding » séduisait dans la manière qu’elle avait de faire cohabiter trois personnalités dissemblables en un tout cohérent. Entre Mabel la sérieuse, Oliver l’égocentrique et Charles le doux rêveur en manque de confiance s’installait vite une sympathique alchimie mise efficacement en valeur par des dialogues à l’humour subtil et enchanteur. Ainsi, au moment de les retrouver, le plaisir était non feint.

 

 

Un premier acte alléchant

 

Il est tout d’abord appréciable de se replonger dans l’ambiance cosy et un peu datée qui fait le charme de l’Arconia et par extension, de la série. Meryl Streep apparaît rapidement à l’écran ce qui constitue forcément une bonne nouvelle. Puis on prend connaissance de l’entourage de la victime lorsque, quatre mois auparavant, toute l’équipe de la pièce s’était retrouvée pour une première lecture du scénario. Un débriefing particulièrement enlevé et plaisant qui sert également à nous présenter les suspects potentiels du meurtre à venir. Un twist rondement mené suivi d’un ultime rebondissement viennent conclure un premier épisode particulièrement prometteur.

 

 

Too much

 

Se bornant à quelques scènes particulièrement bien écrites, cet épisode introductif semble ainsi suivre une ligne conductrice claire. La suite, beaucoup plus brouillonne, s’éparpille sans vergogne dans de nombreuses directions. Non pas que le récit soit déstructuré (il garde jusqu’au bout sa cohérence narrative malgré un manque de crédibilité assumé) mais on sent que les auteurs se sont fait plaisir, se concentrant autant sur les états d’âme des uns et des autres que sur l’enquête proprement dite. L’idée est, en soi, plutôt bonne car une intrigue policière paraît bien fade lorsque la psychologie de ses acteurs se trouve reléguée au second plan. Mais force est de constater que quoi qu’ils traversent, les personnages d’Oliver, de Charles et de Mabel peinent à gagner en profondeur, comme figés dans le moule qui a été créé pour eux. Les deux hommes de l’équipe, à force de gesticulations et de mimiques exagérées, tendent ainsi à s’auto-caricaturer avec une désinvolture frisant le cabotinage. Les joyeux clowns que l’on aimait tant finissent pas en devenir agaçants. Heureusement, les dialogues, toujours aussi enlevés, parviennent en partie à compenser ce manque de retenue. Meryl Streep, quant à elle, livre une partition au diapason de la douce folie ambiante. Une folie dont le but est de divertir mais qu’on aurait souhaitée un peu plus maîtrisée.

 

 

Singing in Broadway

 

Le constat est donc mitigé. Certes, on retrouve les ingrédients qui ont fait d’ « Only murders in the building » une série attachante dotée d’une ambiance particulièrement chaleureuse. Malgré l’énergie évidente qui émane de cette troisième saison, la magie peine à opérer. Si on devait trouver d’autres explications que celles déjà évoquées, on pourrait souligner qu’il devient lassant que chaque fin d’épisode oriente les soupçons vers tel ou tel protagoniste de l’histoire. Ce faisant, on comprend que les auteurs ont envie de jouer avec nous comme ils ont eu l’habitude de le faire par le passé. Pas besoin d’être un fin limier pour percevoir qu’il ne s’agit là que de fausses pistes un peu grossières dont l’explication nous sera sans surprise fournie à court ou moyen terme. L’originalité ne tient donc pas dans la structure narrative du récit mais plutôt dans le cadre dévolu à son déroulé. Ici, les couloirs de l’Arconia cèdent en effet leur place aux coulisses du théâtre où tout a commencé et dans lequel Oliver tient coûte que coûte à se produire malgré les déconvenues. Pour cela, il entreprend de remodeler sa pièce en spectacle musical, un genre dont Broadway a toujours porté haut les couleurs. Il en résulte que bon nombre des acteurs en présence sont amenés à pousser la chansonnette avec un entrain presque trop excessif. Cependant, cela procure à l’ensemble la tonalité désuète que la série a toujours assumée avec aplomb et qui lui sied si bien. Par ailleurs, force est de reconnaître qu’elle rend un hommage sincère aux films ayant marqué l’histoire de la comédie musicale. Elle en emprunte en effet ses codes allant jusqu’à relier son thème chanté principal à celui qui habite le cœur de son intrigue, comme savaient si bien le faire Vincente Minelli ou Busby Berkeley en leur temps. A ce titre, les auteurs se sont risqués à un pari osé mais finalement réussi tant il s’intègre parfaitement dans l’ADN de la série.

 

 

Bilan

 

Pour peu qu’on y soit sensible, on peut donc dire qu’« Only murders in the building » a su conserver une partie de son charme presque enfantin. Elle s’autorise par ailleurs à s’aventurer vers des terres inconnues avec un talent indéniable. Toutefois, comme pour palier à un manque de renouvellement de son procédé narratif et compenser la difficulté manifeste qu’ont les auteurs à donner un avenir à leurs personnages, la série fait preuve de surcharge. Un peu trop de péripéties par ci, un peu trop d’exubérance surjouée par là. Ce n’est pas encore indigeste, mais revenir à plus de sobriété nous permettrait sans doute de retrouver le plaisir simple et direct qui nous avait joyeusement transporté lors des précédents opus.

 

Disponible sur Disney+

 

 

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