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Happy Valley (saison 3)

Rappel de bon aloi

 

7 ans que l’on pensait qu’il en était fini d’ « Happy Valley » et de son ambiance sombre et sans pitié. De fait, quelle surprise cela a été lorsqu’il a été annoncé qu’une troisième saison allait faire son apparition sur nos écrans. A l’époque, la série avait fait justement parler d’elle en raison de l’âpreté de son histoire et de ses qualités scénaristiques et esthétiques. Il est vrai que dans la province du Yorkshire où vit Catherine Cawood, une mère divorcée de deux enfants, il pleut souvent. Mais lorsque des éclaircies se fraient un chemin au travers des sombres nuages anglais, elles bercent de leur magnifique lumière changeante les verdoyantes collines qui jouxtent la petite ville de Calder Valley. A l’image de cette météo un brin capricieuse, pour cette policière communale, la vie comporte largement son lot d’intempéries. En effet, après le viol, suivi du suicide,de sa fille junkie par un dénommé Tommy Lee Royce , Catherine s’est vue confiée la garde de son petit-fils, issu de cette union forcée. Elle n’a dès lors qu’une seule hantise : se confronter à nouveau à celui-ci qu’elle considère comme responsable de la disparition de sa fille. Huit ans plus tard, alors que Tommy est sorti de prison et tente de se réinsérer, une jeune femme disparaît contre rançon. Elle soupçonne illico Tommy d’avoir pris part à cet enlèvement. Le duel, maintenant long de 3 saisons, pouvait alors commencer.

 

 

Un chef-d’œuvre du genre

 

Dans un premier temps, celui-ci s’était voulu frontal et sur ce plan, la violence qui s’en dégageait contrastait avec celle de bon nombre de séries policières. En résumé, on était plus proche de « The killing » version danoise que de « Les Experts »... Du scénario à la photographie, magnifiée par l’ambiance morose et humide de cette partie de l’Angleterre, on était face à une série sans concession où la torture ne nous était pas épargnée et où la réalité d’un meurtre pouvait soudainement se présenter à nos yeux horrifiés. On ressortait de cette saison 1 lessivés mais heureux de s’être pris une telle claque en pleine figure. Outre son enquête policière toujours très réaliste, la confrontation entre Catherine et Tommy Lee se faisait plus psychologique au cours d’une saison 2 mettant aux prises l’ensemble des personnages dont on s’était largement attaché précédemment. L’effet de surprise en moins, elle se révélait certes moins addictive mais restait largement supérieure à la majorité des séries avec lesquelles elle pouvait être comparée. Au final, on tenait dans le genre une production phare dans le paysage britannique, une de celles qui comptent et dont on se souvient quelques années plus tard. De fait, impossible de ne pas ressentir une forme d’excitation teintée d’appréhension au moment de se lancer dans cette suite à l’allure de conclusion définitive.

 

Plus que quelques mois à tirer...

 

Depuis ces 8 années où on l’avait perdue de vue,la retraite se profile à grands pas pour Catherine. Malheureusement pour elle, alors que ses derniers mois auraient pu s’écouler tranquillement, les ossements d’un homme disparu depuis fort longtemps sont retrouvés au bord d’un point d’eau. Rapidement, les soupçons se portent une nouvelle fois sur Tommy tandis que les brigades policières se désespèrent d’appréhender un politicien impliqué de longue date dans des affaires louches. Parallèlement, Ryan, maintenant lycéen, entretient des relations houleuses avec son prof de sport, un homme grossier et impulsif qui n’hésite pas à le rabrouer en public. Mais la première victime de cette violence manifeste reste sa femme. En effet, afin de soulager la souffrance causée par cette maltraitance quotidienne, elle se réfugie abusivement dans la prise de médicaments qui lui sont délivrés illégalement par le pharmacien local. Côté familial, la situation n’est pas brillante non plus pour Catherine puisqu’elle découvre que Ryan profite du temps où elle est au travail pour rendre visite à son père en prison. Mais lorsqu’il lui paraît évident que sa sœur Clare et son mari ont rendu possible ces entrevues sans la consulter en amont, leurs relations vont rapidement se teinter de défiance.

 

 

Des personnages toujours aussi justes

 

Durant ces 6 épisodes, ce sont surtout les conflits qui habitent la famille Cawood qui se retrouvent au cœur du récit avec Tommy comme sempiternel déclencheur. La détermination des rôles dévolus à chacun reste une des bonnes surprises de cette saison. Les enquêtes, quant à elles, servent surtout de prétexte à tendre vers ce que l’on sait inéluctable, à savoir l’affrontement entre Tommy Lee Royce et Catherine. Mais d’ici là, on assiste à une lutte d’influence sans merci entre deux êtres qui se vouent une haine mortelle. Et celle-ni ne peut concerner que la seule personne qui les unit encore : Ryan. Et ce qui est intéressant, c’est qu’à travers lui, les auteurs sont parvenus à nuancer l’image de flic irréprochable et celle de psychopathe presque inhumain qui définissaient respectivement Catherine et Tommy. Dans les deux cas, une petite touche de gris va colorer la palette jusque là assez uniforme de leur personnalité. D’un côté, il y a l’incapacité de Catherine à comprendre ce qui a poussé sa sœur à accepter que Ryan voie son père. En cela son intransigeance nous paraît un peu extrême. De l’autre, Tommy parvient à exprimer autre chose que de la folie destructrice. Oh, il ne faut pas croire que l’on a un changement radical dans la vision qu’on se fait de ces deux là ! Quand on se souvient de toutes les épreuves qu’elle a traversées, il nous est impossible de ne pas aimer Catherine. Et à la vue de son histoire, on comprend qu’elle ne puisse se résoudre à voir Tommy autrement que comme un terrifiant criminel sans états d'âme. Malgré son caractère peu avenant, elle parvient même à être appréciée de ses pairs pour son professionnalisme sans failles mais surtout pour l’humanité bien cachée dont elle fait preuve derrière son allure de vieille ourse mal léchée. Tommy, lui, est toujours aussi inquiétant. Jusqu’au bout, son narcissisme et le charisme de prédateur dont il se sert pour contrôler ceux qui l’entourent nous font douter de l’amour qu’il dit porter à un fils qu’il ne connaît pas. Quant à Ryan, son positionnement s’avère jusqu’au bout d’une grande justesse psychologique. Bref, tous ces personnages, bien aidés par des interprètes toujours aussi excellents, adoptent des positions sensibles et cohérentes qui font honneur à la série.

 

 

Un final ambivalent

 

Dans ces circonstances, dire que l’on attend l’affrontement final entre Catherine et Tommy est un euphémisme, ne sachant pas quelle version d’eux-même ils nous offriront. De cette incertitude, on en apprend encore davantage sur les deux protagonistes qui s’opposent violemment devant nos yeux. Mais au vue de la rivalité qui les unissait, malgré une fin plutôt intelligente et très à-propos, on l’espérait plus intense. A titre de comparaison, si la 3ème saison de « The sinner » était loin d’être la plus réussie, il est indéniable que les auteurs avaient su instaurer une tension entre deux ennemis désignés qui eux aussi cherchaient à se porter le coup de grâce. Ce faisant, leur lien s’en trouvait sublimé. Ce n’est pas le cas ici et cela manque cruellement.

 

 

Fallait ou fallait pas ?

 

Quant aux enquêtes en elles-mêmes, il n’y a pas grand-chose à en dire. Elles ne sont pas déplaisantes à suivre et parviennent à converger in extremis vers un point unique sans que cela nous importe réellement. Elles ont aussi le mérite d’évoquer de manière crédible une forme de violence faite aux femmes qu’il n’est pas futile de mettre en images. Mais ce qui frappe surtout, c’est qu’elles sont dénuées de la tension dramatique et de la cruauté sulfureuse qui faisaient la force des premières saisons. Elles intègrent même dans leur scénario un moment grotesque qui nous donne à apprendre comment s’échapper d’un tribunal en deux coups de cuillère à pot. Au final, difficile de dire s’il était ici nécessaire de remettre le couvert dans le but louable de clore définitivement cette série. Certes, on retrouve dans cette troisième saison une ambiance dans laquelle on a plaisir à se replonger. Mais dans l’ensemble, elle est incontestablement inférieure en qualité à ses grandes sœurs qui, c’est certain, garderont une place à part, bien au chaud dans notre petit cœur de téléspectateur.

 

Disponible sur MyCanal

 

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