· 

The marvelous Mrs. Maisel (saisons 1 à 4)

Mrs. Maisel, une utopie

 

Lancée en 2017, la première saison de « the marvelous Mrs. Maisel » créée par Amy Sherman-Palladino avait sonné comme un vent de fraîcheur dans le paysage télévisuel, obtenant 2 Grammy Awards dont un pour celui, mérité, de meilleure actrice dans une série comique, attribué à Rachel Brosnahan. Cinq ans et trois saisons plus tard, malgré quelques passages à vide, on ne peut pas dire que la reine du one-man show dans le New-York des années 50 ait perdu de sa répartie. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Mrs. Maisel n’a pas vraiment existé. Qu’une femme fasse fureur sur scène à une époque où celle-ci se doit de s’occuper des enfants tandis que Monsieur travaille pour ramener un salaire à la maison, aurait relevé de l’exceptionnel. Cependant, certaines ont réussi à l’époque à se faire un nom au sein d’une profession presque exclusivement masculine mais elles sont réduites à peau de chagrin. Si Mrs. Maisel a pu voir le jour sur nos écrans de télé, on le doit peut-être à Joan Rivers qui a eu, elle aussi, toutes les peines du monde à s’imposer dans le milieu¹.

 

 

La vie comme source inépuisable d'humour

 

Initialement, comme convenu socialement, la vie de Miriam (Midge pour les intimes) se résumait à prendre soin de ses deux enfants en bas-âges et de son époux Joel. Mais lorsque ce dernier la trompe avec une secrétaire de 21 ans, sa vie et les valeurs traditionnelles qui lui sont associées, perdent tous leurs sens. Alors un soir, elle boit (beaucoup) et se rend au club où son mari a vainement tenté de percer dans le stand-up. Totalement ivre, elle s’empare du micro et commence à se raconter. D’abord incrédule devant la vision de cette femme éméchée qui n’hésite pas à se donner en spectacle, la salle se remplit petit-à petit au son de la voix de plus en plus assurée de celle qui deviendra Mrs. Maisel. Les irrévérences commencent à pleuvoir, les rires deviennent francs et emplissent l’espace de la petite cave enfumée. Au bout de quatre minutes hilarantes et transgressives (pour l’époque), Miriam enlève le haut de sa chemise de nuit, et exhibe sa poitrine devant un public hilare. Moment télévisuel grandiose et surprenant qui vaudra à Midge un séjour d’une nuit dans la cellule du commissariat le plus proche. Car à l’époque, on ne badinait pas avec les outrages aux bonnes mœurs. Qu’un homme titube un peu trop dans la rue et il finissait en prison. Alors, une femme à moitié nue devant tout un public…

 

 

Faire sa place

 

Et ce n’est pas Lenny Bruce, que l’on croisera régulièrement tout au long de la série, qui aurait déclaré le contraire. Dans ces années-là, cet historique humoriste qui se plaisait à dénoncer la société et les mœurs puritaines de son pays, avait lui aussi l’habitude de terminer ses soirées en compagnie des forces de l’ordre. Véritable pionnier dans le monde du stand-up, il est mort d’une overdose en 1966, Phil Spector allant même jusqu’à dire qu’il avait fait « une overdose de police ». Quoiqu’il en soit, pour Miriam, cette soirée mémorable sera une révélation et elle ne cessera de se chercher une place dans le milieu du show-business. Aidée en cela par Susie Mayerson, la gérante improbable du club qui deviendra sa manager, on sera amené à suivre le parcours chaotique de cette jeune femme vive et drôle dans un univers qui ne lui est, à priori, pas réservé.

 

 

Une comédie pétillante

 

Dès les premiers épisodes, on se délecte de la reconstitution colorée du New-York des années 50. Les coiffures, la mode… James Dean apparaîtrait à l’écran que l’on ne serait pas surpris. On pense à Douglas Sirk aussi mais surtout, de par sa thématique, à « A star is born » de Cukor. A ceci près qu’ici il n’est pas question de drames mais de rires. Les dialogues, vifs et mordants, fourmillent de punchlines sarcastiques que Miriam, mais surtout la désopilante Susie, affectionnent. Cette dernière, sorte d’ourse mal léchée qui déteste autant les bonnes manières que le monde bourgeois auquel appartient sa protégée, mériterait presque une série à elle toute seule tant son personnage est croustillant ! D’une manière générale, le rythme de la série est en adéquation avec le débit mitraillette des personnages. Non seulement les répliques fusent, mais les bras servant vigoureusement de balancier, Midge et son tempérament volcanique exacerbé avancent tête baissée dans cette histoire. C’est souvent jubilatoire mais dans ses périodes creuses, le sentiment d’hystérie peut prendre le pas sur l’aspect comique des situations.

 

 

De multiples références

 

Heureusement, la qualité des dialogues finit le plus souvent par nous ramener du côté des comédies délicieuses des années 40 dont Cary Grant était le porte-drapeau ou des meilleurs Woody Allen comme « meurtres mystérieux à Manhattan ». Cette dernière référence se voit renforcée par l’appartenance sans faille à la religion juive et aux traditions dont les parents de Joel et Miriam sont issus. Tous les clichés comiques concernant cette communauté d’émigrés sont passés en revue et c’est assez succulent ! De plus, à travers leur figure masculine, ces deux couples s’inscrivent dans des versants variés de la réussite (économique pour l’un, culturelle pour l’autre) qui ne cessent de s’opposer pour notre plus grand bonheur.

 

 

Un féminisme intégré à la narration

 

Outre ces considérations formelles et humoristiques, la série ne pouvait se départir de la place des femmes dans cette société ultra-sexuée. Et en cela, la première saison donne un coup de pied salvateur dans la fourmilière. Non, les femmes ne sont intrinsèquement pas destinées à s’occuper des enfants (ce qu’au demeurant, Miriam fait très mal quand on voit son fils éructer toute la journée devant la télévision) ou gérer la logistique du foyer. Ainsi, si féminisme il y a, il fait tout simplement corps avec la narration sans jamais lui damer le pion. De fait, elle reste bienveillante avec des hommes au final plus surpris que misogynes quand il s’agit de se frotter au tempérament volcanique de la demoiselle et à ses aspirations. Et si la saison 2, plus confuse, patine un peu, la série n’hésite pas à se renouveler en nous sortant des clubs new-yorkais pour partir en tournée avec ce qui se fait de mieux dans le monde du spectacle. Les paillettes tant désirées par Miriam sont alors au rendez-vous, mais elle apprendra à ses dépens qu’en humour, on ne peut rire de tout avec tout le monde. En tant que femme, le public, même masculin, accepte d’être bousculé par ses propos gentiment castrateurs mais à cette époque, il est d’autres sujets sur lesquels l’humour reste prohibé.

 

 

Miriam et Lenny

 

La saison 4 s’interroge plus sur les éventuelles concessions à effectuer pour un artiste s’il veut accéder à la notoriété. En d’autres termes, la fin justifie-t-elle les moyens ? Très intelligemment écrite, la série n’impose aucune vérité et se contente de nous questionner au même titre que les personnages qui sont amenés à le faire. Sur ce point, la scène finale opposant Lenny et Midge est sans conteste un des moments forts d’une œuvre qui sait ponctuellement délaisser la comédie trépidante pour se poser et laisser apparaître les fragilités de ses personnages tous très attachants.

 

C’est particulièrement vrai lors des séquences hors temps où l’Histoire rencontre le fictif, où le mentor (magnifique Luke Kirby) rencontre ponctuellement sa pétillante apprentie. Mêlant respect et attachement mutuels, leur relation s’appuie en effet sur le fil ténu qui relie l’artiste sur le sentier de la gloire à celle qui tente de marcher sur ses talons malgré les obstacles. Mais elle témoigne aussi d’une sensibilité avant-gardiste commune et de la solitude qui en découle. Spirituels et souvent malicieux, les échanges verbaux dont il gratifient le spectateur constituent en soi des moments de cinéma empreints d’une finesse que n’aurait pas renié le précédemment cité Georges Cukor.

 

 

Gare à la lassitude !

 

Au final, si on devait maintenant adresser quelques reproches à Midge, c’est que la qualité de ses prestations scéniques que l’on attend toujours avec gourmandise ne sont pas toujours à la hauteur de nos attentes… peut-être l’effet du manque que sa première apparition avait provoqué en nous. Après, on ne peut reprocher à Amy Sherman-Palladino de ne pas être auteur de textes de stand-up. Plus embêtant, on a quand même le sentiment que la série tourne scénaristiquement en rond. Les choses avancent peut-être, mais c’est lent. Attention donc à la lassitude si la série n’arrive pas à s’engouffrer dans un sillon narratif un peu plus entraînant. Mais pour l’instant, « let the show goes on» !

 

Disponible sur Prime Video

 

1 : pour plus d'informations sur le sujet, se référer au très bon article se Slate ci-après. http://www.slate.fr/story/170844/fabuleuse-mme-maisel-joan-rivers-veritables-pionnieres-stand-up-femmes-comedie

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0