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Coeurs Noirs (saison 1)

Un deal à hauts risques

 

En 2016, les forces spéciales françaises sont officieusement positionnées en Irak afin d’appréhender les ressortissants français ayant rejoint le camp de Daech. C’est ainsi qu’elles parviennent à mettre la main sur Zaïd Osman, devenu haut responsable au sein de l’État Islamique. Celui-ci accepte alors de collaborer à condition que l’armée se charge d’exfiltrer sa fille et son petit-fils présents à Mossoul aux côtés d’un djihadiste lui aussi français, Fares Al Krim. Sous la houlette du colonel Roques, Martin, Nina, Spit et les autres se préparent alors à intervenir.

 

 

Au plus près de ses personnages

 

Avec « Cœurs noirs », nous plongeons dans les méandres d’une ville en ruines, Mossoul,juste avant que l’armée irakienne ne cherche à en reprendre le contrôle lors d’une bataille qui débutera le 17 octobre et prendra fin le 10 juillet 2017. En attendant, s’aventurer dans ses ruelles désertes en tant que militaire français, c’est prendre le risque de se frotter à la mitraille nourrie du feu ennemi. Tapis derrière des murs délabrés, les membres de l’État Islamique s’accrochent aux décombres d’une gloire déclinante. Alentours, la beauté des paysages confère aux habitations les contours de havres de paix salutaires. Mais même là, il n’est pas exclu que de leur silence trompeur se fasse entendre le sifflement d’une balle. Quel que soit l’endroit où ils se trouvent, les membres de l’unité évoluent donc dans un milieu hostile. Et pour que l’on mesure bien le danger qui guette chacun de leurs pas, la caméra nous embarque avec elle dans leurs missions. Les sens aux aguets, chaque avancée de terrain se fait au prix d’inspections minutieuses où l’erreur de jugement est interdite. Le souffle court, on les voit ainsi progresser presque en temps réel. Ce parti-pris de mis en scène est assez efficace et procure un climat de tension qui constitue la force de la série. Toutefois, ces séquences à suspense, volontairement étirées, se révèlent être sur la durée assez répétitives pour un contenu finalement, assez maigre d’un point de vue scénaristique.

 

 

Un propos assez maigre

 

Outre ces moments in situ, on a affaire à des soldats que la série essaie de rendre attachants. Et ce, avec plus ou moins de succès. Non pas qu’ils soient antipathiques, mais les liens qui les unissent restent tout du long assez conventionnels. Le Colonel, campé par un Thierry Godard qui use à bon escient de sa naturelle force tranquille, dirige ses hommes avec poigne mais bienveillance. Les femmes ne sont pas des faire-valoir et trouvent leur place dans ce monde d’hommes malgré l’hostilité de Martin à l’égard de l’une d’entre elles. Une vision relativement vieillotte de la place des femmes amenée à évoluer au fur et à mesure du récit. De cette manière, la série se place dans l’air du temps sans y apporter un surplus d’originalité. Et puis, il y a celui qui peine à endurer sereinement ce que la réalité lui impose. Sa présence prouve que l’on a bien affaire à des humains faillibles évoluant dans un contexte particulièrement âpre. Dans ces conditions, et malgré les conséquences dommageables que ses fragilités induisent, on est amené à éprouver à son égard une empathie de bon aloi. A l’instar de ses personnages, le scénario n’est, lui non plus, pas très étoffé. Il faut exfiltrer une femme et son enfant et bien entendu, les choses ne se déroulent pas comme prévu. De ramifications à ce point de départ, il n’y en a pas vraiment. Peu de dilemmes moraux auxquels pourraient se trouver confrontés les membres de l’équipe. Juste une mission, une seule, et son lot de déconvenues propres à entretenir la tension permettant de tenir le spectateur en haleine.

 

 

Des comparaisons qui font mal

 

Par ailleurs, difficile, pour ceux qui ont eu l’occasion de les visionner, de ne pas comparer la série à des productions françaises qui, elles aussi, ont situé leur action au Moyen-Orient, avec, en premier lieu, le fameux « bureau des légendes ». Et cela ne joue pas en faveur de « Cœurs noirs » à qui il manque une partie de l’intensité dramatique dont faisait preuve son illustre aînée. En effet, s’inscrivait dans l’ADN de cette dernière des problématiques humaines qui transcendaient les faits qu’elle mettait en scène. La force des liens amoureux et amicaux qui unissaient ses acteurs en devenait touchante par son universalité. En leur absence, « Cœurs noirs »peine à nous faire ressentir la puissance tragique des événements relatés. On peut cependant arguer que celle-ci n’en est qu’à sa première saison et qu’elle a encore le temps de développer son sujet. Alors lorgnons plutôt du côté de « No man’s land » avec laquelle elle possède des accointances évidentes, à commencer par une mise en images de la lutte acharnée de différentes coalitions contre un ennemi commun : Daech. Or, dans la représentation que les deux séries font de cette organisation fondamentaliste, la force de frappe de « No Man’s land » s’avérait bien plus efficace. Durant cinq épisodes d’une densité narrative étouffante, l’État Islamiste faisait peur. Il représentait le Mal absolu à travers la violence et le fanatisme qui se dégageaient de ses rangs. On tremblait presque dès qu’apparaissait à l’écran une camionnette au drapeau noir. L’angoisse ressentie par le spectateur constituait un atout majeur dans l’appréciation que l’on se faisait de cette série. Dans « Cœurs noirs », si Daech s'avère être un danger, il est loin d’en prendre un contour aussi effrayant.

 

 

Bilan

 

Chaque production est unique et se doit d’être jugée pour ses qualités intrinsèques plus que sur des comparaisons auxquelles tout le monde n’a pas accès. Cependant, celles-ci ont pour fonction de différencier ce qui caractérise une grande série d’une autre, plus anecdotique. Non pas que « Cœurs noirs » soit une mauvaise série. Elle s’appuie sur des séquences haletantes et prend le parti de se mettre à hauteur de ses personnages pour nous transmettre la dureté de leur quotidien.Mais elle manque d’enjeux narratifs puissants où l’Homme serait confronté à quelque chose qui le dépasse : la guerre, l’horreur ou simplement lui-même.

 

Disponible sur Prime video

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