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His dark materials (saisons 1 et 2)

 Série regardée avec des enfants (11 et 8 ans)  

Philip Pullman’s world

 

 

Lyra est une jeune adolescente orpheline confiée quand elle était bébé par un homme, Lord Asriel, aux bons soins du « Jordan College » d’Oxford. Mais cet Oxford-là ne correspond pas exactement à celui que que nous connaissons. Ici, point de voitures ni d’éléments technologiques. Ce monde est différent du nôtre, plus suranné, plus littéraire en quelque sorte. Outre l’aspect extérieur, différents éléments importants le distinguent de notre univers. Tout d’abord, chaque être humain possède un « daemon », un animal qui lui est indissociable (même dans la mort), et qui prend sa forme définitive à l’âge adulte. De plus, l’ensemble du territoire, à l’exception de sa partie nord, est sous la coupe du Magisterium, une entité religieuse qui impose ses préceptes à la société. Alors, quand Lord Asriel revient de son périple du grand froid nordique pour faire part de ses recherches sur la « poussière », celui-ci est de suite considéré comme hérétique. Il a en effet constaté que ces particules sombres invisibles qui constituent cette « poussière » épargnaient les enfants. Seuls les adultes seraient entourés de leur présence. Mais surtout, elles ont mis en l’évidence l’existence d’une ville dans le ciel, signe qu’il existerait d’autres mondes. Le Magistérium va alors tenter d’empêcher Asriel de poursuivre des recherches tendant à remettre en cause le bien-fondé de leurs textes sacrés et du même coup, la légitimité de leur autorité. Quant à Lyra, désormais sous la garde de la mystérieuse Mme Coulter, elle aura son mot à dire dans cette lutte sans merci que se livreront savoir scientifique et idéologie religieuse et se découvrira une destinée exceptionnelle.

 

 

Une réussite visuelle

 

« His dark materials » est l’adaptation d’une trilogie de Philip Pullman de genre fantastique tendance fantasy. Et en cela, le cinéma arrive à créer des univers propres à faire rêver les enfants. Et ce qui est formidable, c’est qu’ici, il y en a plusieurs. Et si le plus détaillé et le plus vaste est bien celui dans lequel Lyra évolue, celui de la ville abandonnée, sorte de tour de Babel méditerranéenne, est aussi très réussi. Le fait que ce qui nous en est montré soit circonscrit dans l’espace et presque dépourvu de présence humaine lui procure une atmosphère très particulière. Alors, sur l'ensemble, effets spéciaux aidants, on découvrira avec enthousiasme ce qui fait la magie du genre : des ours qui parlent et combattent, des aventuriers en ballon directement inspirés de Jules Verne, des objets magiques, des sorcières sombres et puissantes ou des spectres terrifiants.

 

 

Les daemons

 

 

Et bien sûr, il y a l’idée très amusante et centrale des daemons. Ces animaux ne sont pas uniquement des gadgets vides de sens destinés à ravir les plus jeunes. En effet, dans le monde de Lyra, ils sont les éléments centraux du développement des individus, particulièrement au cours de la délicate période de l’adolescence. Il est d’ailleurs interdit de toucher le daemon des autres ce qui renvoie à l’intimité. Par extension, ils sont également prépondérants dans la construction du libre-arbitre qui permet l'accès à la connaissance, souvent ennemie des dogmes. Et si le traitement de l’évolution de la psyché humaine paraît tout de même un peu manichéen, celui de la problématique entre religion et savoir (scientifique notamment) est astucieux. Et illustrer ces thématiques en utilisant des animaux comme vecteur est original et susceptible de sensibiliser les enfants sur ces sujets complexes. Mais de par leur importance, il est dommage que les daemons soient avant tout montrés comme de bons compagnons de route. Et finalement, on ressent assez peu à l’écran le lien viscéral qui les unit à leur « propriétaire ». Ce faisant, la série se prive de moments qui auraient pu être d’une belle intensité dramatique et émotionnelle. Quant à l’intérêt de l’élément physique qu’est la « poussière » dans ce processus, on espère que la saison 3 (qui s’annonce être la dernière) apportera des éclaircissements.

 

 

Un manque de liens probant

 

Alors si le fond de l’histoire est intéressant, la forme, elle, laisse parfois à désirer. Car pour qu’une adaptation soit réussie, il faut en tirer les éléments principaux et les agencer de manière à ce qu’événements et liens logiques fonctionnent de concert. Et en cela, tout est loin d’être parfait. Lors de la saison 1, les événements ont tendance à s’enchaîner de façon trop schématique, se contentant de suivre la ligne directrice fixée par le récit. Ainsi faite prisonnière, Lyra n’hésitera pas à instantanément semer la zizanie pour s’enfuir. Et hop ! Un ours tient à rétablir son rang en affrontant un rival illégitime ? Une course rapide sur la banquise et le voilà à destination. Il aurait fallu donner corps aux connecteurs logiques qui contribuent à la crédibilité des situations. On retrouve moins ces lacunes lors d’une saison 2 plus intéressante dans sa construction. En effet, elle comprend plusieurs arcs narratifs convergents dont on ne saisit pas toujours les tenants et les aboutissants ce qui la rend plus mystérieuse. Toutefois, certains éléments permettant une bonne compréhension de l’intrigue sont assez vite expédiés ce qui entraîne parfois un sentiment de confusion. Bref, le timing des séquences, en fonction de l’importance qu’elles apportent à la cohérence de l’ensemble est souvent mal dosé.

 

 

Mais pourquoi ?

 

Ce manque de clarté se ressent également sur la manière dont les personnages interagissent avec leur environnement. En effet, on ne saisit pas très bien leurs motivations et si on les voit se battre pour des causes, on ne connaît aucunement les liens qu’ils entretiennent avec elles. C’est particulièrement vrai pour Lord Asriel dont on ne sait rien ! Et si la formidable Ruth Wilson incarne pleinement une Mme Coulter tiraillée entre son amour et son combat, elle n’a parfois pas d’autres arguments à montrer que son machiavélisme, ce qui la rend un peu monolithique dans ses expressions. Quant aux héros, leur description manque tout de même de sensibilité. Cela saute aux yeux lors d’une scène où une petite fille, délaissée par ses parents et dont l’attitude farouche nous est antipathique, croise une adulte qu’elle ne connaît pas. Et après une brève conversation et sur un ton plein de défiance, elle lui adresse une question inattendue : « Madame, je peux avoir un câlin ? » Cette réplique, étonnante et subtile, contraste avec les émotions plus convenues de Lyra et de ses compagnons. Clairement, leurs destinées et les actes qu’ils doivent accomplir prennent le pas sur leurs ressentis. L’action au dépens des émotions, une nouvelle fois.

 

On voit donc que sur la forme et le fond, la série est loin d’être parfaite. Cependant, les mondes décrits et l’intérêt suscité par la narration nous divertissent tout du long et c’est tout de même le plus important. On nous raconte ici une histoire fantastique au format très hollywoodien mais au scénario inventif et porteur de messages, où priment les descriptions d’univers aux identités bien retranscrites. Pour ces raisons simples, le plaisir est au rendez-vous si on n’est pas trop regardant. En un mot, les enfants, dépourvus d’une « poussière » qui ne pervertit pas leurs yeux, ont adoré. Et on peut aisément les comprendre.

 

Disponible sur OCS

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Alain Salvail (samedi, 03 décembre 2022 23:16)

    Allo . J'aimerais savoir si , quelqu'un peut Me dire ou Je peux acheter saison #1 en francais .

    Merci

  • #2

    Pierric (dimanche, 04 décembre 2022 23:47)

    Là par exemple https://fr.shopping.rakuten.com/mfp/6511294/his-dark-materials-la-croise-des-mondes?pid=5028122750