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Dix pour cent (saisons 1 et 2)

Nous voilà dans l’agence ASK qui s’occupe de bichonner les acteurs francophones les plus célèbres, de Cécile de France à Isabelle Adjani. En leur faisant signer des contrats, les agents perçoivent 10 % du cachet global. Il faut donc gagner leur confiance et s’adapter voire anticiper leurs envies éventuelles. Pour cela, on peut compter sur les formidables agents qui composent ASK. Gabriel est un tendre débonnaire qui déteste les conflits. Ce gentil barbu vit seul mais s’en passerait bien. Son amie Andréa est une fonceuse déterminée et entreprenante mais parfois irascible. Homosexuelle revendiquée, elle aime séduire mais tient fermement à son indépendance. De son côté, Matthias est le Dark Vador de sa profession. Costume trois pièces et air sévère, ce fin diplomate n’est pas là pour rigoler. Enfin, Arlette est simplement une « institution » à elle toute seule dans le métier. Ancienne impresario, elle n’a plus à faire ses preuves et ses clients lui sont fidèles. Mise à part cette dernière, chacun d’entre eux est flanqué d'un assistant personnel : Noémie, la commère de service, Hervé, le gay très maniéré et enfin, Camille, qui se fait embaucher par Andréa pour assurer cette fonction suite à un concours de circonstances.

 

 

Cette présentation est un peu longue indispensable pour comprendre que l’on a affaire à des archétypes de personnages de style "vaudeville". L’ensemble se base donc sur du comique de situations ; quiproquos, non-dits, imbroglios sentimentaux et familiaux sont les moteurs de l’intrigue. Et pour que cela fonctionne, il faut des idées surprenantes et des répliques formidables. Et il y en a … un peu. Mais entre deux sourires, on soupire devant les exagérations scénaristiques qui aboutissent parfois au cabotinage des comédiens. Alors, sans remettre en cause le jeu des acteurs, efficaces dans le registre qu'on leur impose, l’ensemble s'appuie trop souvent sur des clichés parfois gênants. Cela aurait pu être approprié dans un autre cadre mais là, il ne fait que caricaturer le milieu qu'il est censé décrire. Formellement, la série s'inscrit dans un genre sans rien y apporter de nouveaux. Heureusement, certains des protagonistes évoluent intelligemment car sur plusieurs saisons, ils ne pouvaient pas rester figés dans leurs postures initiales. En cela, le traitement de la relation entre Matthias et Camille (incarnés par 2 formidables comédiens) est une réussite. Par leur présence, la narration gagne indéniablement en sensibilité.

 

 

Reste maintenant l’élément qui a fait de «10 pour cent» un vrai succès : dans chaque épisode intervient un acteur reconnu qui joue son propre rôle. Des mini-histoires s’insèrent donc dans la grande. La présence de ces stars s’explique car ils sont tous les protégés d’un des quatre agents de choc. Et dans chaque cas, il y a un problème à résoudre. Car il faut dire que les personnes que l’on aime à l’écran sont plutôt exigeantes, voire carrément capricieuses. Il s’agira donc de leur faire accepter un rôle ou de gérer les petits soucis (aux grandes conséquences) des uns et des autres. Et c’est là qu’Andréa, Gabriel et consorts interviennent. Comment brosser ces personnalités dans le sens du poil, leur faire retrouver la raison devant un refus de rôle prometteur ? Pour se faire, il faut user de diplomatie, quitte à manipuler parfois (pour leur bien, évidemment !).

 

 

Avec ce matériau là, la série pouvait dépeindre un milieu professionnel au vitriol. Hélas, une nouvelle fois, tout est très gentil. Certes, les acteurs et les actrices qui nous sont présentés s'avèrent être de grands enfants. Mais in fine, ils se révèlent attachants et compréhensifs. Et comme c'est le cas dans la plupart des vaudevilles, chaque épisode se termine bien dans le meilleur des mondes. Il est vrai que parfois, les agents ressemblent à des requins prêts à à tout pour attirer leurs proies, quitte à les piquer dans l’escarcelle du voisin. Mais ils montrent surtout beaucoup de solidarité quand le besoin s’en fait ressentir. Et surtout, ils aiment leurs protégés : ils peuvent ainsi se transformer en taxi, baby-sitter, psychiatre... Alors, malgré leurs défauts, on ne peut que les aimer.

 

Mais pourquoi un ton et une forme si consensuels ? Là, on touche à un point gênant. Car en filigrane, et sous prétexte de servir le scénario, les dialogues distillent gracieusement des louanges aux acteurs présents. De là à penser que leur apparition constitue pour eux une formidable promotion, il n’y a qu’un pas. Et le fait que durant quelques minutes, Julien Doré pousse la chansonnette avec Stéfi Celma, jeune chanteuse en devenir, confirme cette sensation. D’un autre côté, à part peut-être Luchini qui arrive à dégager une émotion sincère de son personnage, la plupart d’entre eux ont un petit rôle et semblent servir avant tout de vitrine. Mais le spectateur, curieux de voir des acteurs jouer leur propre rôle, est logiquement attiré par une idée si sympathique et enchaîne donc les épisodes. Banco ! Tout le monde est gagnant !

 

 

Au final, l’attachement que l’on porte à certains protagonistes de l’histoire nous invite à continuer le visionnage. Mi-agacé, mi-amusé, on se laisse alors porter par ces mini-intrigues qui forment un tout divertissant. Mais il y a toujours quelque chose qui gratte. Car on ne peut pas s’empêcher de penser à l’acteur qui est en face de nous et qui a dû se retrouver un jour devant son agent. On imagine ce dernier essayant de trouver les mots justes pour encourager son client à jouer dans la série. « Cela sera bon pour ton image d’apparaître sous ton vrai nom. Tu en ressortiras plus humain. Et le public va adorer, c’est sûr. Bien entendu, ça ne sera pas vraiment toi, mais ils en auront l’impression ! Nourrir l’illusion, n’est-ce pas ça la magie du cinéma ? ». Comme le ferait Andréa, Matthias et les autres.

 

Disponible sur Netflix

 

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