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Only murders in the Building (saisons 1 et 2)

Série regardée avec des enfants de 10 et 12 ans.

Un immeuble  à Manhattan

 

«The building» dont il est question dans le titre de cette série à enquêtes se situe sur l’île de Manhattan. Rebaptisé Arconia pour la série, « The Belnord », de son vrai nom, a lui aussi sa propre histoire dont les débuts remontent à 1909, date de son inauguration. Avec ses 175 appartements, de nombreuses personnalités importantes ont bénéficié de son emplacement et de son confort dans les années 60 avant de petit-à-petit tomber en décrépitude. Il a fallu attendre qu’un riche entrepreneur, Gary Barnett, le rachète et investisse des sommes considérables dans sa rénovation pour que ce bâtiment retrouve de sa superbe. Et si maintenant, les salles d’exposition et les résidences haut-de -gamme constituent une partie de sa renommée, d’heureux héritiers, issus de milieux sociaux variés, continuent d’occuper certains de ses appartements. Toutefois, les scènes d’intérieur d’«Only murders in the buiding » ne sont pas réellement filmées dans le Belnord contrairement à celles se déroulant dans la cour, la plus grande de Manhattan !

 

La rencontre improbable …

 

Devant l’immensité du lieu, les chances de rencontres entre Mabel (Selena Gomez), Charles (Steve Martin) et Oliver (Martin Short), étaient donc plutôt minces. Quant au fait que leurs relations aboutissent à une quelconque forme d’amitié, il semblait culotté de l’envisager tant leur âge et leur personnalité semblaient à priori incompatibles. Mabel par exemple : voilà une jeune femme solitaire et oisive qui vivote à l’Arconia grâce au legs généreux d’une défunte tante. Enfant déjà, elle aimait jouer à l’enquêtrice dans ses innombrables couloirs en compagnie d’amis avec qui elle avait fondé le groupe des « The Hardy Boys ». De son côté, Charles ressasse sa vie d’ancien acteur avec nostalgie, lui qui s’était principalement illustré dans la série policière dont il tenait le rôle principal, « Brazzos ». Tombé depuis dans l’oubli de l’univers télévisuel, certaines de ses répliques sont passées à la postérité, même si tous (à part lui) s’accordent à considérer son œuvre comme dispensable et son talent d’acteur, limité. Quant à Oliver, son passé glorieux de metteur en scène est également révolu. Les échecs répétés de plusieurs de ses pharaoniques projets ont contribué à refroidir des producteurs peu enclins à se retrouver sur la paille. Situation à laquelle lui-même n’a pas échappé et qui le met dans l’embarras au moment de payer son loyer... Finalement, il faudra que Tim Kono, un locataire de l’immeuble assez peu apprécié par ses pairs, soit retrouvé mort au beau milieu de son appartement, pour que Mabel, Charles et Oliver ne commencent à se rapprocher. Car malgré leurs différences, ces trois lascars partagent une passion peu commune : le podcast d’enquêtes, que chacun adore écouter en solitaire. Et comme la piste du suicide, rapidement privilégiée par la police, ne leur paraît pas cohérente, ces détectives amateurs envisagent de collaborer pour percer le mystère d’un décès aux circonstances plus troublantes qu’il n’y paraît. Il leur vient même à l’idée d’en tirer leur propre podcast intitulé simplement « only murders in the building ».

 

de trois personnalités disparates

 

Le défi des auteurs (dont Steve Martin fait partie) était en premier lieu de créer, entre les membres du trio, une alchimie qui puisse amuser le spectateur tout en rendant obsolète l’aspect marketing du casting. En effet, associer une égérie Disney (Selena Gomez) à deux hommes mûrs ressemblait plus à une pirouette visant à attirer le jeune public qu’à une bonne idée narrative. Cependant, dans un immeuble, on ne connaît pas forcément son voisin de pallier. De ce « chacun chez soi » découle une solitude mortifère accentuée par le quotidien d’une vie sans histoire. Alors, lorsqu’un événement aussi extraordinaire que celui auquel les résidents de l’Arconia se trouvent confrontés survient, on comprend que ces âmes en jachère sautent sur l’occasion pour s’unir et ainsi redonner un sens à leur vie. En cela, le trio que constituent Mabel, Charles et Oliver apparaît rapidement plausible et attachant. De plus, l’enquête devient l’occasion pour le spectateur de découvrir leurs failles, leurs secrets et leur passé, rendant chacun d’eux encore plus consistant et sympathique. Cependant, si on apprécie le romantisme de Charles et l’égocentrisme d’Oliver, Mabel reste le personnage le plus distant… et le moins drôle. Sur ce point, Oliver vole de toutes façons la vedette à ses partenaires. La douce folie qui le caractérise, le bagou dont il fait preuve et son esprit espiègle apportent à « only murders in the building » le peps et la fantaisie sur lesquels se base la série.

Peur ou fantaisie ?

 

Car s’il s’agit bien d’une histoire de meurtres, l’ambiance générale n’est aucunement morbide. Sans être burlesque (on rit rarement à gorge déployée), le ton est incontestablement bon enfant voire léger. Nos héros relèvent des indices, déambulent dans les couloirs de l’Arconia, se concertent, établissent des plans et des hypothèses, commettent des erreurs, se disputent un peu, tentent d’éliminer les fausses pistes... Tout cela pour notre plus grand plaisir ludique car le puzzle prend forme simultanément sous nos yeux et sous le leur. Quelque part, on participe à l’enquête et c’est fort plaisant. En revanche, n’espérez pas frissonner de peur devant la tournure prise pas les événements. C’est un peu frustrant, mais on ne peut pas reprocher à Steve Martin et John Hoffman d’avoir exploité d’autres ressorts que ceux du drame et de la tension pour nous séduire. Surtout qu’ils le font avec classe, en prenant bien soin de soigner la forme et le fond.

 

Dans l’univers d’Agatha Christie

 

Sur ces deux aspects, regarder « Only murders in the building », c’est en partie se replonger dans la période de l’entre deux guerres chère aux romans d’Agatha Christie. En effet, cette dernière adorait les huis-clos, qu’ils se déroulent sur une île dans les « dix petits nègres » ou dans un train avec « le crime de l’Orient-Express ». Or, si l’action s’échappe parfois hors des couloirs de l’Arconia, celui-ci en reste globalement l’épicentre. D’ailleurs, à l’instar des humains qui occupent ses murs, lui aussi recèle des secrets. Et pas des moindres… Par ailleurs, le style Renaissance du Belnord ainsi que le décor censé le représenter, orné de moulures, de lustres et de cheminées d’appartement nous transportent quelques décennies dans le passé. Et ses occupants s’inscrivent pour la plupart parfaitement dans cet environnement. Il suffit d’ailleurs de prêter attention au style vestimentaire (classe mais désuet) et au vocabulaire châtié de Charles et Oliver pour savoir que l’action ne se passe pas dans le Bronx du 21ème siècle. Bref, « only murders in the building » a beau se dérouler à notre époque, hormis le personnage de Mabel, bon nombre de choix formels ont été opérés pour envelopper cette série d’une atmosphère surannée tout à fait charmante.

 

Au delà des apparences

 

Dans un décorum aussi cosy où la bienséance semble de bon aloi, la clientèle « bon chic bon genre » de l’Arconia semble à priori au-dessus de tout soupçons. Agatha Christie raffolait de ces atmosphères où le faux semblant règne en maître... Par ailleurs, à l’instar de la romancière britannique, l’enjeu narratif consiste uniquement à démasquer les auteurs des meurtres que nous offrent les auteurs à chaque début de saison. Et pour cela, ils savent user de fausses pistes bienvenues et de rebondissements surprenants. Ils s’amusent même à tenter des expériences originales, comme avec cet épisode quasi silencieux qui adopte le point de vue d’un sourd ! Au final, la qualité des scenarii s’avère assez irréprochable, la saison 2 surpassant même la première en terme d’inventivité. Elle gratifie par exemple le spectateur d’un épilogue à l’ancienne (logique !) où sont exposés les mobiles potentiels de suspects qui, comme nous, attendent de savoir vers qui seront finalement portées les accusations.

 

Conclusion

 

Tout cela fait d’ « Only murders in the building » une série plus qu’agréable à défaut d’être totalement addictive. Mais elle a l’immense mérite de donner l’envie de se lover en famille dans un canapé bien confortable (de préférence !) afin de profiter au mieux de son ambiance chaleureuse, de ses histoires bien ficelées et de ses personnages cocasses. Et lorsque résonneront les premières notes du générique, à la musique entêtante et au graphisme coloré, vous saurez que durant les trente minutes suivantes, vous passerez un moment de détente bien appréciable auprès de vos détectives amateurs préférés.

 

Disponible sur Disney +

 

Age idéal conseillé : à partir de 12 ans

 

 

Et du "coté séries", ils en pensent quoi ?

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