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This is us (saison 6)

De multiples épreuves

Qu’il est compliqué de garder intact l’intérêt des spectateurs lorsqu’on se lance dans l’écriture d’une série au long cours comme c’est le cas de « This is us »… En premier lieu (et comme tant d’autres avant elle), elle avait dû se confronter à la terrible épreuve de la seconde saison. L’agrémenter d’éléments nouveaux afin d’entretenir la curiosité du spectateur sans dénaturer l’esprit originel de son précédent chapitre n’est jamais une mince affaire. A ce petit jeu, bon nombre de productions se sont cassées les dents. Par la suite, il lui a fallu éviter les ventres mous narratifs caractérisés par des saisons plus creuses que les précédentes. Cet écueil est assurément moins rédhibitoire pour un public qui sait se monter compréhensif mais il contribue à dévaluer qualitativement la série. Et enfin, il y a les finals. Il nous est tous arrivés d’être un jour confrontés à un épilogue décevant au regard d’une intrigue pour laquelle on s’était pris au jeu. Terrible désillusion ! A l’inverse, grâce à la beauté de leur conclusion devenue parfois mythique, certaines séries comme « Six feet under », « the shield », « the Americans » ou « the good place », pour ne citer qu’elles, ont gagné leur place aux panthéons des œuvres télévisuelles. On peut reconnaître que dans ce parcours du combattant, « This is us » a franchi plusieurs de ces obstacles avec brio. Jusqu’à la saison 5, tout était presque parfait ! Dans la famille Pearson, on appréciait les hésitations sentimentales de Kevin, les besoins de contrôle de Randall ou la difficulté à trouver sa place de Kate. Quant à Rebecca et Jack, sans vouloir faire offense aux nôtres, ils étaient les parents que chacun a toujours rêvé d’avoir.

 

 

Tout était presque parfait

Ce qui était jusque-là formidable dans « this is us », c’était sa capacité de concentrer son énergie sur des personnages dont les préoccupations nous paraissaient familières. En ce sens, malgré leur culture anglo-saxonne prononcée, il y avait moyen de se sentir proche de leurs si humains états d’âme. Un nous énervait, un autre nous attendrissait… On avait tous notre préféré(e). Toutefois, comme si la série prenait soin de ne jamais sombrer dans le pathos, le deuil ou la maladie ne pouvaient être évoqués sans qu’un contrepoint humoristique vienne contrebalancer l’humeur ambiante. A moins qu’une réplique bien sentie nous interpelle sur la manière d’appréhender certaines situations de la vie quotidienne. Jamais tout noirs ou tout blancs. Ainsi percevait-on Kevin, Kate et Randall et leurs tendres parents. Par ailleurs, en ancrant sa narration sur plusieurs lignes temporelles, « This is us » se distinguait par cette capacité à créer du lien entre les différentes générations. Elle montrait comment l’éducation et la transmission de valeurs, associées à la personnalité de chacun, se répercutaient sur les décisions prises par les membres de cette famille et leur manière d’être au monde. Malheureusement, on peinait à retrouver l’ensemble de ces éléments lors d’une saison 5 marquée par une volonté dispensable de coller à une actualité très covidée qu'il n'aurait pas été déplaisant de mettre de côté, au moins le temps d’une série. De fait, l’aspect intemporel de ses messages en prenait un sacré coup ! De plus, elle plongeait ses personnages dans des situations plus anecdotiques que stimulantes malgré quelques beaux moments de confrontations familiales. Afin de contrebalancer ce manque d’enjeux, la mise en scène misait maladroitement sur un suspense de pacotille peu adapté à une série aussi intimiste.

 

 

Un esprit retrouvé...

A l’orée de cette sixième et dernière saison, il était donc bien difficile de savoir à quelle sauce on allait être mangés. Et c’est avec un réel contentement que l’on retrouve enfin tous les ingrédients qui avaient fait de « this is us » une série attachante. Ainsi, on assiste avec une certaine tristesse au conflit qui oppose Deja à Randall, son père adoptif, quant à la manière dont elle et son amoureux gèrent leur relation. Difficile de blâmer qui que ce soit dans cette histoire, si ce n’est le scénario qui délaisse honteusement les deux autres filles de ce dernier. Vraiment, elles auraient de quoi se sentir mal-aimées devant un traitement aussi inégalitaire... Parallèlement, il nous est vite impossible de discerner le bon du méchant dans la querelle qui oppose Kate à Tobby tellement leurs manières de vivre l’éloignement sont toutes deux entendables. Campés par des acteurs toujours aussi formidables de naturel, on prend à nouveau plaisir à observer tous ces personnages se chamailler sans chichis ni astuces scénaristiques trompeuses. Tout cela pour en arriver à cette déclaration lapidaire de Beth, la femme de Randall, résumant merveilleusement la manière de fonctionner de la famille Pearson : « Des gens charmants, beaucoup de larmes, Thanksgivings hyper traumatisants »… et dont l’auto-psychanalyse reste toujours aussi gentiment époustouflante.

 

 

...et de nouveaux errements

Et c’est d’ailleurs lors de cette fameuse fête traditionnelle que les choses vont progressivement se gâter. En effet, cette nouvelle entrevue familiale inaugure des éléments dramatiques sur lesquels s’appuient par la suite la série. Les auteurs choisissent en effet de revenir sur ce moment clé pour en constater les effets sur chaque membre de la fratrie, en lien une nouvelle fois avec un épisode de leur enfance. En théorie, c’est astucieux. Sauf que l’ensemble de ces scènes nous sont alors resservies à foison, certes sous des angles différents, mais en nombre suffisant pour provoquer une réelle lassitude et paraître par ailleurs scénaristiquement un peu facile. Puis, vient le moment tant redouté où il faut boucler ce qu’il reste à boucler. Si la situation de Randall et de Kate semble stable à ce stade du récit, celle de Kevin reste en revanche à finaliser. Or, la question se pose de savoir comment résoudre en deux épisodes un problème qui a perduré 5 saisons durant ? Sur le fond, la réponse trouvée par les auteurs se tient. Elle est même assez touchante et en cohérence avec les personnages qui la composent. Sur la forme en revanche, on a le droit à une enquête à suspense (menée par deux Agatha Christie improvisées) plus proche d’un jeu de cache-cache puéril que des intrigues matures dont la série a longtemps eu le secret.

 

 

Une beauté cachée

Quant au final, il contient, c’est certain, sa part d’émotions. On n’a pas passé autant de temps avec les Pearson pour être indifférents à leur sort. Mais tout comme l’ensemble de la fratrie, on y était préparé. Cette fois-ci, la forme est cependant poétiquement menée. C’est convenu, un peu lourdaud parfois mais cela fonctionne. Toutefois, on est tout de même heureux que la série se termine enfin tant elle a eu tendance à drastiquement baisser de niveau lors des deux dernières saisons. Mais après coup, cela ne nous empêche pas de penser tendrement à Jack, Rebecca, Kate et les autres avec une réelle affection. A partir de là, il est tout à fait possible de débattre sur les prétendues qualités des uns et des autres, leurs côtés exaspérants, touchants, fragiles... Bref, de savoir quels membres de cette famille nous sont les plus sympathiques. Pourtant, à ce petit jeu, il y a fort à parier que de cette série longtemps formidable, un personnage ne soit jamais cité tant il se sera obstiné à ne pas faire parler de lui. Il n’a en effet jamais eu le premier rôle mais n’a en réalité jamais cherché à l’avoir dans un milieu qui l’a très longtemps rejeté. D’où cette question : et si finalement le plus émouvant de tous était mort sans que personne ne le pleure réellement ? Et s’il s’agissait du beau, de l’humble et du tendre Miguel Rivas ?

Disponible sur Prime Video

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