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His dark materials (saison 3)

En famille : partie 2

Série vue avec des enfants de 13 et 10 ans. Leur note se situe en bas à droite de l’image.

 

Daemon et poussière 

 

Au moment où certains usaient maladroitement de clés afin de repousser les méchants démons qui les convoitaient, d’autres passaient de mondes en mondes pour échapper à la gouvernance tyrannique du Magisterium. Pour rappel, « His dark materials » est une adaptation de la trilogie romanesque de Philip Pullman, « à la croisée des mondes, qui a connu un vif succès à la fin des années 90 dans un univers inspiré de la« fantasy » sans pour autant faire double emploi avec celui très typé des maîtres du genre. Lyra, une jeune orpheline scolarisée au Jordan College d’Oxford qui était devenu son foyer, partait à l’aventure suite à la disparition mystérieuse de son fidèle ami Roger avec qui elle partageait ses joies et ses peines à l’internat. Ce faisant, elle découvrait en chemin que sa mère était bien vivante et n’était autre que la terrible Mme Coulter, une femme cruelle travaillant au service du régime en place…Quant à son père, il l’avait simplement délaissée pour se consacrer à ses recherches sur la « poussière ». La poussière… Cet élément sur lequel les deux premières saisons mettaient l’accent sans pour autant nous dévoiler la teneur exacte de sa signification, ce qui était assez frustrant. Ce que l’on savait en revanche, c’est que dans le monde de Lyra, l’âme humaine se matérialisait sous forme de daemon, un petit animal qui ne peut être dissocié de son maître sous peine de mort immédiate. Et que celui-ci prend une allure définitive à l’âge adulte.

 

 

Un passage à l’âge adulte apaisant


Dans un premier temps, alors que ce lien viscéral manquait jusque-là de corps, il est ici beaucoup plus palpable, et c’est une très bonne chose. Par ailleurs, s’il subsistait quelques doutes quant à la relation existant entre daemon et « poussière », ceux-ci se dissipent rapidement. Elle apparaît même d’une cohérence difficilement contestable. Dès lors, le message peut se développer sans qu’aucune circonvolution fumeuse ne vienne entacher sa clarté. Et son contenu a le mérite de cibler aussi bien les jeunes que les adultes puisqu’il a pour postulat de prendre en compte l’humain dans la globalité de son évolution. Certes, la série insiste sur le tournant qu’est l’adolescence, mais elle ne fait pas du passage à l’âge adulte une punition. A l’inverse, cette transition est montrée comme quelque chose d’assez magique dans le sens où elle est une étape vers le désir de connaissance et d’amour. Or, à l’instar de «Locke and key», cet état de fait n’est pas si courant dans un cinéma familial qui tend à l’éloge de l’enfance au détriment de celui, plus austère, des grandes personnes. Ce faisant, celles-ci sentent qu’on s’adresse aussi à elles et ce, en des termes qui ne sont pas péjoratifs. Cependant, la série insiste sur le fait qu’en étant soumis à une quelconque idéologie entravant sa construction personnelle, l’homme ne peut s’épanouir individuellement. Et à ce titre, la religion en prend clairement pour son grade contrairement aux mythes et légendes qui ont leur place auprès de la science pour appréhender le monde. Alors, si cette vision du développement de l’individu peut sembler simpliste, s’il elle peut être sujette à discussion, la sincérité avec laquelle elle est développée ne peut ici être remise en question.

 

     


Des mondes, des ambiances 


« His dark materials » se basait aussi sur le fait que notre espace était constitué d’univers parallèles dans lequel naviguaient les protagonistes pour des raisons que l’on gardera ici inviolées. On passait ainsi de notre monde, clairement le moins exotique, à celui, plus littéraire, d’une Angleterre que Jules Verne aurait sans doute appréciée. On se retrouvait même au milieu d’une sorte de Mont-Saint-Michel désolé où des spectres assez impressionnants visuellement, venaient dévorer l’âme des adultes. Cette succession de tableaux, soigneusement et joliment dépeints,constituait l’un des principaux attraits de la série. Et sur ce point, cette troisième saison ne déroge pas à la règle. Certes, celui où les morts sont retenus en captivité est teinté d’une noirceur plutôt convenue même si leur destinée s’avère finalement assez touchante. Par ailleurs, il contraste efficacement avec la chatoyante savane où déambulent de tendres et bigarrés tamanoirs/éléphants à la santé dépendante de celle des imposants baobabs qui s’élèvent à leur côté. Mais ce qui frappe surtout, c’est l’atmosphère mortifère du no man’s land, rendu jaunâtre par le vent du désert, que Lyra et son ami Will se doivent de traverser. Un entrepôt à la taille démesurée contribue à faire résonner indéfiniment chacun des sons qui en émerge, comme prisonniers du vide qui le compose. Esthétiquement, cette zone de transit où des âmes impassibles marchent sans but ni envie dans une seule et unique direction, est d’autant plus saisissante qu’elle garde jusqu’au bout sa part de mystère. A travers ces images, on apprécie que « His dark materials » s’autorise à prendre le risque, même fugace, de se détourner des conventions de la Beauté pour leur préférer l’instauration d’une ambiance originale et décalée. A l’inverse, sa consœur de la maison Netflix paraît timorée dans sa volonté de se conformer à une photographie si propre et consensuelle qu’elle peine à se forger une vraie identité.

 

 

Un superbe final

 

Après, reconnaissons tout de même que cette dernière partie n’est pas exempte de défauts : le combat final fait office de pétard mouillé et le jeu des acteurs est par instant un peu figé, à l’image de la sorcière Ruta Skadi qui brille par son manque d’expressivité. Heureusement, la plupart des personnages ne sont pas aussi stéréotypés. Qu’il s’agisse d’Azriel ou de Mme Coulter, leurs attitudes respectives sont loin de toujours obtenir notre approbation, ce qui les rend complexes et dignes d’intérêt. Par ailleurs, la série (toujours superbe visuellement)comporte cette fois-ci une fluidité narrative qui faisait parfois défaut lors des deux précédents opus. Désormais, tous les événements s’enchaînent harmonieusement pour aboutir à un épilogue doux/amer que l’on n’avait pas forcément anticipé. Pour en finir avec la comparaison, tandis que« Locke and Key » nous assénait « un long « happy end » indigent de presque une heure », « His dark materials » nous gratifie d’une fin d’où jaillit une frustration propice à la mélancolie. Et en cela aussi, la série constitue une entrée dans la vie d’adulte où tout ne se passe pas forcément comme on le voudrait. Des regrets, des occasions manquées qui en découlent, il convient à chacun de les symboliser afin de les rendre supportables et tenter malgré tout de trouver le bonheur. Et si la nature a pourvu de l’Homme de larmes, c’est qu’elles sont nécessaires à notre existence. A nous d’en faire bon usage.

 

Disponible sur OCS

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